Une nouvelle vision de l'économie (The knowledge society: a new approach of the economy)



provenait du fait qu'il nourrissait et faisait vivre la population. Il devait toujours posséder plus
de terre pour asseoir son pouvoir. D’où les guerres et les invasions pour conquérir plus de
terres. La « science économique » n’existait pas car la gestion de la terre et des richesses était
assurée par les autorités politiques ou par les autorités religieuses, quand celles-ci avaient le
pouvoir. Lors de l'apparition de la société industrielle, le pouvoir est progressivement revenu
à ceux qui parvenaient à rassembler du capital et une technologie innovante. La force de
travail, c’est-à-dire les anciens agriculteurs, était supposée s’adapter, plus ou moins durement,
à la logique de la machine industrielle. Ceux qui n’ont pas compris ce changement de pouvoir
sont sans doute restés dans leurs somptueux châteaux, mais comme des marginaux plus ou
moins fortunés.

Aujourd’hui, un glissement analogue se produit. Certes, la machine industrielle et agricole
continue à produire, même plus et meilleur marché, mais elle va probablement absorber de
moins en moins de main-d’œuvre. Au début du siècle, l’agriculture occupait 87% de la main-
d’œuvre en Europe. Aujourd’hui, 4% à peine. On peut s'attendre à une évolution similaire
pour les emplois industriels. Ils vont se réduire comme une peau de chagrin, puisque les
travailleurs sont remplacés par des robots. Et il n'est probablement pas exact de rejeter la faute
sur l'Asie, si l'on sait que la Chine à diminué sa main d'œuvre de 15% et l'a remplacé par des
machines. La tendance est la même partout comme l'a très bien montré Jeremy Rifkin6.

Le problème politique majeur est que si l'outil agraire et l'outil industriel ne peuvent plus
procurer dans nos pays plus que 20 à 30% des emplois au maximum, et les services 30%, que
va-t-on faire avec le reste de la population, surtout les moins qualifiés ? Telle est la question
très difficile à laquelle sont confrontés les politiciens dans le monde entier. C'est la raison
pour laquelle les Chefs d'Etat de l'Union européenne insistent tellement sur la stratégie de
Lisbonne et l'entrée dans la société de la connaissance. C'est le seul espoir. Mais cela suppose
une redéfinition assez radicale de nos sociétés. Et c'est là que le bât blesse.

Ce changement d’outil de production vers la société de la connaissance entraîne des
bouleversements fondamentaux dans la nature du pouvoir, du commerce, de l’économie, de
l’argent, du
management. Mais à travers lui, ce sont aussi les concepts de brevet, de travail, de
justice, de
soutenabilité ou de durabilité écologique, d’éducation et de culture qui mutent.
Bref, nous changeons de société ! Les finalités mêmes de la société changent, évoluent vers
autre chose. Une importante tendance au recentrement sur l’humain se développe sous nos
yeux, à tous les niveaux. Un recentrement qui, toutefois, peut être aussi perverti en une
manipulation plus sophistiquée. La figure qui suit tente de synthétiser le passage de la société
industrielle à la société de la connaissance selon une série de critères. Mais il nous faut au
préalable définir quelques termes clé.

Définitions pour la société de la connaissance

Pour une bonne compréhension de cette figure et des commentaires qui l’accompagnent, il est nécessaire de
définir quatre termes clé :

1. les données sont l’information brute comme elle nous arrive dans notre boîte aux lettres le matin ou sur le
Web. Il en a trop. Elle n'est pas triée.

2. l’information est le résultat d’un tri, lequel peut être opéré mécaniquement par "Google" par exemple. Le tri
postal aussi. Et si vous avez encore une Secrétaire qui trie votre courrier. Elle vous fournit de l’information.

3. la connaissance est le résultat d’un tri créatif et d'une réflexion réalisée par un cerveau humain en fonction
d’un ensemble de valeurs donné. Il y a donc
jugement humain. Pas moyen de le faire faire par une machine. La
connaissance est aussi celle qui conduit
à l'action.

4. la sagesse consistera à prendre les décisions qui prennent en compte au maximum le Bien Commun y
compris celui des générations futures et la cohésion sociale.

6 Alain CAILLE, Jeremy RIFKIN, et Michel ROCARD: La fin du travail Paris Livre de Poche: 12 janvier 2006.



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