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serie des contes moraux. C’est done, aussi etrange qu’il puisse paraftre au
premier abord, une juste apprehension des societes primitives qui permet au
philosophe de eonnaɪtre et d’exposer Thistoire abregee de presque toute
notre misere,, cette histoire dont les contes sont autant de tranches decoupees
par l’acuite du regard critique et appretees par un ecrivain iconoclaste. Car
s’il est un domaine oil Diderot pratique la transgression, c’est bien celui de
l,⅛criture. Par lui, Ie genre passablement academique du conte moral se
trouve proprement dynamite: dans sa structure (ou Ie recit vectorise fait place
au dialogue Contradictoire), dans sa morale (non resolutive), dans Ie choix
provocant de son personnel dramatique (Les deux amis de Bourbonne), enfin
dans son articulation a un propos tout a la fois theorique, exotique et
radicalement subversif. Mais cette ecriture transgressive, on aura pu se
persuader ici que loin de ne repondre qu’a une pulsion Iitteraire, au seul
plaisir du texte, elle trouve son impulsion et sa Iegitimite dans Fexercice
toujours recommence de la critique, dans Ie choix аггё1ё d’une contestation
Iucide et active de la societe civilisee.
Oeuvres citees
Diderot, Oeuvres. Tome II - Contes, ed. Laurent Versini, Robert Laffont, Collection
‘Bouqins’, 1994. Sous la designation generique de ‘contes’, on trouvera dans ce meme
volume, outre les contes proprement dits, les trois romans et les dialogues philosophiques
que sont Ie Neveu de Rameau et Ie Supplement au voyage de Bougainville.
Pierre Hartmann, ‘Les Adieia du Vieillard comme anamorphose Iitteraire: contribution a une
lecture critique du Supplement au voyage de Bougainville,’ Recherches sur Diderot et
TEncyclopedie, avril 1994, pp. 61 a 70.
E. Kant, Reponse a la question: qu ,est-ce que les Lumieres ?
Johann-Hermann von Riedesel, Voyage en Sicile, Ziirich, 1771. Traduit en langue franςaise
en 1773.