Transgression et Contestation Dans Ie conte diderotien. Pierre Hartmann Strasbourg

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et de la contestation ne sont aux yeux des encyclopedistes 1’objet de nul
enjeu ethique ou politique notable.

Un tel constat ne doit pas Surprendre outre mesure: de ce qu’un terɪne
ne soit pas repere comme important, il serait aventureux d’inferer que la
notion a Iaquelle il sert de support est elle-meme indifferente ou inactuelle.
L’histoire de la langue et celle de la pensee ont Ieur rythme propre; et quand
meme on ne penserait qu’avec des mots, toujours est-il que !’importance
subitement prise par un debat d’idees ou une posture intellectuelle ne trouve
pas toujours sa traduction immediate dans Ie Iexique; et souvent on
developpe avec d’anciens vocables des pensers nouveaux. Personne ainsi ne
s’avisera de contester la portde fondamentalement Contestataire de la pensee
des Lumieres, ni de ddnier a Γepoque de Sade une certaine competence en
matiere de transgression. A cet egard, Ie cas de Diderot me paraɪt exemplaire
d’une demarche qui sait allier et combiner avec bonheur contestation et
transgression. Commenφons toutefois par distinguer ces deux vocables. Sous
celui de ‘contestation’, je rangerai !’ensemble des enonces theoriques qui
visent a revoquer en doute des valeurs admises, fussent-elles d’ordre
philosophique, moral ou social. Je reserverai inversement Ie terme de
‘transgression’ a des pratiques, ou a la description de pratiques qui ont pour
effet de contoumer ou de Subvertir ces memes valeurs, sans necessairement
s’y confronter. La contestation me paraιt une posture intellectuelle, la
transgression une demarche concrete. La premiere est d’ordre speculatif, la
seconde d’ordre pratique. C’est pourquoi il convient d’apprehender
VEncyclopedie comme une entreprise collective de contestation des
fondements ideologiques (theologico-politiques) de 1’Ancien Regime, alors
que la notion de transgression, qui implique une demarche personnelle,
s’applique a meilleur escient aux Stratdgies d’ecriture deployees dans Ie
domaine de la fiction. Dans une telle optique, Ie conte diderotien paraɪt un
champ d’ihvestigation privilegie, en ce qu’il mele Ctroitement Γordre du recit
et celui de la discussion, la posture intellectuelle de la contestation et la
pratique discursive de la transgression. C’est du moins la these que je tenterai
d’dtayer, avant d’en venir au contenu narratif et ideologique des contes de
la demiere periode de Diderot.

De 1770 a 1772, Diderot ecrit une serie de courtes oeuvres associant
fiction et dialogue, que la critique rassemble par commodite sous Ie titre de
contes, et ou elle s’ingenie parfois a distinguer un cycle Iangrois et un cycle
parisien. Au premier de ces cycles appartiennent Les deux amis de
Bourbonne et VEntretien d’un pere avec ses enfants, au second Ceci n’est
pas un conte et Mme de La Carliere, tous deux relies Organiquement et

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