Cavelier de La Salle, 1643-1682 141
l’Illinois, avait tenté jusque chez les Iroquois de le retrouver.
Sous d’imperturbables apparences, La Salle cachait un cœur
très humain. Ces malheureux qu’il laissait derrière lui au
Texas, quand il essayait d’aller au Canada leur chercher des
secours, nous avons vu qu’il pleurait quand il les a quittés.
Si Tonty s’était donné à lui, comme le disciple à son maî-
tre, c’est qu’il l’avait reconnu—ce sont ses propres paroles—
“pour l’un des plus grands hommes de son époque.” Tous
les historiens de la Nouvelle France—et plus hautement que
tous, les Américains,—lui ont rendu le même témoignage.
“Pour la force du vouloir,” dit Bancroft, “pour l’étendue
des conceptions, pour la variété des connaissances et la ra-
pide adaptation à l’imprévu, pour la grandeur de l’âme qui
se résigne à la volonté de Dieu et pourtant fait face à tous
les obstacles, pour l’énergie de la résolution et la foi qui
maintient toujours, malgré tout, l’espérance, aucun de ses
compatriotes ne l’a surpassé.” Un autre, James Hosmer,
va plus loin quand il dit “qu’il n’est pas de plus grand ex-
emple de rude virilité, d’invincible constance dans le dessein,
de mépris de la souffrance et du danger.” L’hommage de
Parkman atteint au lyrisme. “Assailli d’ennemis, il les dé-
passait,” dit-il, “comme le roi d’Israël, de la tête et des
épaules. Jamais sous la cotte de maille du paladin et du
Croisé, n’a battu un cœur plus intrépide. C’était une tour
dont ni la rage des hommes et des éléments, ni la fatigue
et la famine, ni le désappointement et le malheur n’ont
jamais entamé l’imprenable muraille.”
Souvent en lisant son histoire, j’ai pensé aux vers célèbres
de Kipling:
“Si tu peux mettre en un tas tous tes gains
“Pour les risquer d’un coup de pile ou face
“Perdre, et puis repartir de ton commencement
“Sans jamais souffler mot de ta perte,
“Si tu peux contraindre ton cœur, tes nerfs, tes muscles,