la santé de l'ensemble. Il y a donc collaboration, mais d'une manière qui ne lèse ni les intérêts
des personnes ni l'intérêt du réseau lui-même. Et Verna Allee16 dans son excellent livre
explique comment cette collaboration fonctionne au sein d'un réseau de valeurs : "un "réseau
de valeurs" (value network) qui fonctionne bien, encourage la poursuite de l'intérêt personnel
mais négocié entre tous les participants, avec une considération attentive pour le niveau
supérieur de holarchie qui est le réseau lui-même." (237) Nous sommes donc en train d'entrer
dans une logique nouvelle qui n'est plus du tout guerrière ni violente, mais dont nous ne
connaissons pas encore tous les contours. Nous y reviendrons plus tard.
2.8. Création de la valeur économique et nouvel outil de production : l'humain
Le cœur du moteur économique d'une société est la manière dont elle crée de la valeur. Or
nous l'avons vu ce moteur dans la société agraire, est la production de blé ou de fruits qui
proviennent de la nature. L'homme doit cultiver mais il ne peut pas faire pousser. Il ne peut
que s'en remettre au divin pour que le climat lui soit favorable et attendre. Dans la société
industrielle l'homme n'a plus besoin de la nature. Il fabrique des objets dans l'usine, à partir de
la matière première. A parti d'un bloc d'acier, il produit une Toyota. La production de valeur
consiste à ajouter de la valeur à l'objet. Ou en d'autres mots à produire de la "valeur ajoutée".
Les grands débats politiques du XX° siècle consistaient à savoir à qui revenait cette valeur
ajoutée. La gauche disant qu'elle revient au travailleur qui sinon "est aliéné du fruit de son
travail", tandis que la droite prétend que cette valeur ajoutée doit aller à l'entrepreneur.
Ici, dans la société de la connaissance, on produit de la valeur en appliquant de la
connaissance à de la connaissance. Et la valeur produite est de la connaissance ce n'est plus
de la valeur ajoutée à l'objet. C'est de la valeur ajoutée à la connaissance. C'est de la
"connaissance ajoutée", co-crée. Et il n'y a pas d'aliénation possible du fruit du travail,
comme dans la société industrielle, puisque la connaissance reste dans le cerveau et l'esprit
des concepteurs de cette même connaissance. L'humain devient en effet le nouvel outil de
production. De plus, nous l'avons vu, la connaissance est devenue la ressource, si bien qu'elle
me permet d'acquérir tous les biens dont j'ai besoin.
2.9. Mesure de la valeur
Nous nous trouvons ici dès l'abord dans une situation incroyable; la bourse est en train de
modifier en profondeur la manière dont elle cote les entreprises en bourse. Avant les
opérateurs boursiers tenaient compte de ce que l'on appelle en jargon les "acquis matériels des
entreprises". On examinait leur avoir en banque, leurs dettes, le montant de leurs stocks, les
propriétés immobilières. Bref on mesurait les entreprises en se basant principalement sur les
acquis financiers des entreprises. Or depuis quelques années, à peine 10 ans, les opérateurs
boursiers commencent à examiner avec de plus en plus d'attention les "acquis immatériels des
entreprises" (intangible assets). Pourquoi? Parce qu'ils sont de plus en plus conscients de la
transition vers la société de la connaissance. Et puisque aujourd'hui on évalue que 45% de
l'économie européenne est déjà immatérialisée, ils en tirent la conséquence que les acquis
immatériels doivent être pris en considération pour 45% au minimum. Et ceci ne concerne pas
seulement les entreprises qui sont dans les nouvelles technologies de la connaissance. Non
cette nouvelle approche affecte toutes les entreprises.
Bref la bourse apparaît de plus en plus comme un puissant vecteur de changement. Elle
semble pousser de plus en plus fort les entreprises dans la logique nouvelle et de la société de
16 Verna ALLEE:"The future of knowledge: Increasing prosperity through value networks" Butterworth
Heinemann, Elsevier Science, 2003. Page 237.
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