Pour gérer une image immatérielle, il faut prendre en compte un contenu, une signification.
Coca-Cola aurait pu, par exemple, investir dans une aide gratuite à des écoles pauvres de
Belgique et redonner ainsi à l’entreprise une image positive, parce que liée aux valeurs de la
marque: promotion sociale, égalité des cultures, égalité des chances, etc. Cet exemple nous
montre que même dans des entreprises qui semblent à priori éloignées de la production de
connaissance, les valeurs immatérielles sont de plus en plus importantes. La conséquence en a
été qu’en quelque temps, l’action Coca-Cola a perdu 50% de sa valeur sur le marché mondial,
et que le Président mondial de l’entreprise a été contraint de donner sa démission. Et après la
démission du Président, l'action a remonté. La sanction a été terrible pour le top management.
Il n'aurait peut-être pas eu le même sort il y a 10 ans.
2.10. Croissance de l'importance de la soutenabilité parmi les acquis immatériels
On le voit dans cet exemple, il y a une évolution assez rapide et importante. De plus en plus
les acquis immatériels externes prennent de l'importance. De plus en plus on commence à
parler de la responsabilité des entreprises vis-à-vis de l'environnement et de l'inclusion
sociale. L'importance relative de la soutenabilité environnementale et sociale augmente
énormément au sein des acquis immatériels. A tel point que l'on s'achemine vers une situation
où chaque entreprise, mais aussi chaque Municipalité, chaque région, et chaque Pays, sera de
plus en plus mis en demeure de démontrer au public de manière convaincante qu'elle (il)
contribue à la solution des problèmes sociaux et environnementaux et pas dans le camp de
ceux qui ne font que les exacerber. Cette évolution est peut-être en train de transformer
l'économie mondiale plus rapidement que toutes les grandes conférences internationales, qui
sont très utiles par ailleurs, pour indiquer le chemin à suivre.
Un exemple: Interface aux USA: les tapis "soutenables"
J'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement Ray C. Anderson le Chairman et CEO de
Interface, une fabrique de tapis plain aux USA. Il nous a expliqué son aventure lors d'une
réunion à Esalen Institute en Californie. Un beau jour un client l'a apostrophé comme
directeur de l'entreprise et l'a accusé d'être un pollueur qui accélérait le changement
climatique de la terre. Ray encaissa le coup et se mit à réfléchir. Au fond ce client avant
raison et il n'était pas admissible que les centaines d'usines du groupe déversent des tonnes de
produit toxiques dans la nature (rivières ou atmosphère). En effet la fabrication classique de
tapis utilise énormément d'acide et d'autres produits chimiques pour traiter les fibres tropicales
qui sont la matière première. Il décida de changer complètement toute la méthode de
production de ses tapis, et cela dans toutes les usines du groupe. Cela représentait un
investissement énorme et l'entreprise s'endetta très profondément. Heureusement le Conseil
d'administration soutint ce choix stratégique audacieux, sans trop de problèmes.
En l'espace de quelques années, alors que la situation financière du groupe était encore très
fragile, il devint le N°1 mondial et ses actions ont atteint un sommet historique. Pourquoi?
Comment? Parce que c'était le premier tapis sur le marché qui était à 90% respectueux de
l'environnement et à un prix équivalent. Et donc les acheteurs choisissaient Interface puisque
c'était le même prix. L'analyse selon l'économie de la connaissance est la suivante. Les acquis
matériels (tangible assets) d'Interface étaient encore très faibles. Il avant trop de dettes. Mais
soudain la valeur immatérielle de l'entreprise a augmenté tellement que l'action est devenue
une star dans la bourse de New York. C'est donc un cas très intéressant, d'une entreprise
"industrielle" qui devient la reine du marché alors qu'elle est encore profondément endettée.
Nous ne sommes plus, dans la logique industrielle. A cause de la valeur immatérielle de
l'action, celle-ci a augmenté énormément malgré que les acquis matériels étaient encore très
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