INTRODUCTION1
La mobilité de la main-d’œuvre entre le chômage, l’emploi et l’inactivité constitue un enjeu
très important pour les politiques de l’emploi et les politiques sociales. Outre l’objectif
d’améliorer les sorties du chômage vers l’emploi, il s’agit également, dans une perspective
plus large de cycle de vie, de favoriser le retour à l’emploi après une période d’inactivité qui
peut être choisie (formation, congés parentaux) ou contrainte (longue maladie ou invalidité).
Cette question de la mobilité rejoint ainsi les préoccupations d’élévation générale des taux
d’emploi, et de sécurisation des parcours professionnels - au-delà du poste occupé et des
événements qui peuvent affecter l’individu -, telles qu’elles sont formulées par l’Union
européenne dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne. La possibilité de réaliser de « bonnes »
transitions, et en particulier de passer du non-emploi à l’emploi, mais aussi d’aller vers un
emploi mieux rémunéré, ou à temps plein, fait partie des indicateurs de « qualité de l’emploi »
définis à Laeken en 2001. Cependant, l’analyse empirique des transitions individuelles sur le
marché du travail demeure relativement peu développée, en particulier dans une perspective
comparative. À partir du panel EU-SILC (Survey on Income and Living Conditions)
d’Eurostat, cet article propose une analyse des principaux facteurs individuels influençant la
mobilité de la main-d’œuvre, en prenant en compte explicitement le rôle joué par la diversité
des marchés du travail en Europe.
1. UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU MARCHÉ DU TRAVAIL
L’analyse du marché du travail sur la base des flux bruts d’emplois ou de travailleurs
constitue une orientation de recherche désormais bien établie. Elle se fonde tout d’abord sur
des éléments empiriques qui montrent que les analyses plus traditionnelles en termes de
stocks d’emplois ou de chômeurs induisent une vision tronquée du fonctionnement du
marché du travail. Par exemple, il apparaît que les sorties du chômage vers l’emploi sont plus
importantes dans l’absolu pendant les périodes de récession que pendant les phases de
croissance : si le chômage augmente, c’est parce que les entrées au chômage augmentent
également, et de manière plus importante (Burda, Wyplosz, 1994). Du point de vue
théorique, ces travaux s’appuient principalement sur le modèle d’appariement (Pissarides,
1990 ; Mortensen et Pissarides, 1994), qui développe une approche de l’équilibre du marché
du travail comme un équilibre de flux, à partir des décisions de création et de destruction
d’emploi des entreprises. La littérature économique existante peut être répartie en deux
grands types d’approches selon que l’accent est mis sur les comportements des entreprises,
ou bien sur les choix de mobilité des travailleurs (Davis et al., 2006). Dans le premier cas, ce
sont des données d’entreprises qui servent de base à l’analyse, qui porte sur les créations et
destructions d’emplois, tandis que la seconde orientation de recherche repose sur des données
individuelles longitudinales, permettant d’identifier soit les embauches et séparations, soit les
transitions emploi-chômage-inactivité2. Cet article se situe dans cette dernière perspective.
1 Les auteures remercient Pierre Courtioux et Richard Duhautois pour leurs conseils et leur assistance technique.
2 Ces deux types d’approches peuvent être menées conjointement sur la base de sources statistiques différentes (OCDE,
2009 ; Commission européenne, 2009), voire combinées si un appariement entre données d’entreprises et données sur les