DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
ANALYSE DES COMPOSANTES DU MANAGEMENT STRATÉGIQUE DES PME AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
Introduction
Une première recherche, conduite à partir d’une enquête
menée en 1998 sur 1208 entreprises agroalimentaires
du Languedoc-Roussillon de 3 salariés et plus, avait
démontré une faible lisibilité dans les stratégies mises en
œuvre à l’échelle régionale (Rastoin, Remaud, 2000).
Cependant, une analyse plus fine, focalisée sur les
petites entreprises (Remaud, 2002), permettait défaire
apparaître quatre profils stratégiques bien identifiés
selon deux axes discriminants que sont la zone
géographique de vente (local vs international) et la
possession ou non d’une marque propre à l’entreprise.
L’enquête réalisée en 2003, à partir d’un questionnaire
proche permet de disposer, 5 ans plus tard, d’une
nouvelle représentation des stratégies des entreprises
régionales. L’objectif de ce papier est de donner un
aperçu de l’évolution du comportement stratégique de
ces entreprises sur la période 1997-20021.
La justification théorique de la recherche s’inscrit dans
le courant bergsonien qui préconise “d’agir en homme
de pensée et de penser en homme d’action”. En d’autres
termes, selon ce courant, une stratégie “délibérée”, ou
construite, aura plus de probabilité d’améliorer les
performances d’une entreprise qu’une stratégie
“spontanée”, de nature réactive2. Cette vision de la
stratégie est l’héritière de Sun Tzu. Elle est
caractéristique des travaux inaugurés par Penrose sur
les interstices de marché (Penrose, 1959) et développés
dans la théorie très actuelle dite RCC (Ressources,
Compétences, Capacités) qui stipule qu’un avantage
concurrentiel se fonde avant tout sur une combinatoire
entre les ressources physiques d’une firme et ses savoirs
(Barney, 1991). Ll s’agira donc, dans cette recherche, de
repérer !’existence d’une démarche stratégique dans les
entreprises agroalimentaires à Taide d’une méthode
diachronique.
Notre analyse empirique sera conduite sur une
population plus homogène que le champ enquêté en
1998 et 2003. Nous ne retenons ici que les entreprises
ayant de 6 à 250 salariés, soit une population
extrapolée de 791 entreprises. Le champ concerné en
2003 couvre en effet les entreprises de 3 salariés et plus,
soit un échantillon de 339 entreprises, représentatives à
l’échelle régionale d’une population de 1072 entreprises
agroalimentaires. Les entreprises de 3 à 5 salariés ont
été exclues, car étant principalement orientées vers une
activité artisanale. De même, nous n’avons pas
considéré les entreprises de plus de 250 salariés en
raison de leur grande taille (présence de quelques
multinationales) et de leur nombre insuffisant pour
constituer une classe statistiquement significative. Cet
article se concentre donc plutôt sur les petites
entreprises : 83 o∕o des entreprises analysées ont moins
de 50 salariés.
Chaque fois que les données le permettent, une
comparaison avec les résultats de l’enquête de 1998 est
réalisée. L’article débute par une présentation générale
des entreprises enquêtées pour ensuite aborder deux
phénomènes révélateurs de !’existence d’une “pensée
stratégique” dans les entreprises : le degré de conscience
stratégique du dirigeant, puis le choix des marchés
couverts par l’entreprise.
I Caractérisation
des entreprises analysées
Les données collectées permettent de caractériser les
entreprises agroalimentaires régionales à travers 5 séries
d'indicateurs :
• la démographie d'entreprises
• la nature et le niveau d'activité sectorielle
• le profil du dirigeant
• son degré de conscience stratégique
• le portefeuille de produits et les canaux de distribution
Pour faciliter la lecture, nous présenterons les 3 premiers
indicateurs dans cette partie et les deux derniers dans des
parties spécifiques.
A- La démographie des entreprises
agroalimentaires du Languedoc-Roussillon
En 2003, l'échantillon d'entreprises enquêtées se
compose de 275 unités, représentatives d'une population
régionale de 791 entreprises. En 1998, cet échantillon
(reconstruit à l'identique, c'est-à-dire comprenant
uniquement les entreprises de 6 à 250 salaries) était de
249 unités, extrapolable à 934 entreprises de la région
Languedoc-Roussillon (LR). Les résultats présentés
portent sur les données extrapolées3.
La figure 1 présente la population des entreprises agro-
alimentaires de 6 à 250 salariés du LR en 2002 et 1997,
sous l'angle de leur répartition par classe de salariés et
1 L'enquête de 1998 porte, en ce qui concerne les données financière, sur 1997 et celle de 2003 sur 2002 ; les données factuelles (nombre d'entreprises,
profil d'activité, etc.) concernent l'année de l'enquête.
2 Le concept de stratégie spontanée peut être considéré comme un oxymoron puisque !'anticipation est la condition première de la stratégie.
3 Les échantillons 1998 et 2003 sont spécifiques à cet article. Les tests statistiques sont effectués sur les données brutes..