DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
LES SIGNES DE QUALITÉ : FREIN OU MOTEUR DE L'INNOVATION EN AGROALIMENTAIRE, LE CAS DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
Introduction
Les entreprises du secteur agroalimentaire multiplient le
recours aux signes de qualité. C’est là une des tendances
qui caractérisent l’évolution des produits et des procédés
de fabrication et qui s’inscrit dans les préoccupations
des marchés. Parallèlement, le secteur n ’échappe pas à
l’innovation, considérée comme un moteur essentiel de
la dynamique de croissance (à Iafois du marché et des
entreprises). Ainsi, obtention de signes de qualité et
innovation correspondent à deux tendances de fond du
secteur. Ces deux tendances entretiennent des liens
forts : la démarche d’adoption d’un signe de qualité
peut, dans certains cas, être considérée en soi comme
une innovation ; l’innovation peut viser ou contribuer à
l’amélioration de la qualité des produits comme des
procédés (Allaire et Sylvander, 1997), et la recherche
d’amélioration de la qualité peut induire de nouvelles
innovations (Roux, 1999).
П s’agit là de la vision communément admise d’une
dynamique positive qui caractériserait les relations entre
qualité et innovation. Or, si on s’intéresse au secteur
agroalimentaire et plus particulièrement à une certaine
approche de la qualité, appréhendée à travers les signes
de qualité liés au terroir, cette vision nous parait devoir
être nuancée.
Le secteur agroalimentaire a largement recours à
l’adoption de signes de qualité liés au terroir, dont IAOC
est sûrement la formule la plus connue et la plus
fréquente. En effet, le territoire, et plus particulièrement
une des ressources qu’il génère, le terroir, est associé aux
produits agroalimentaires comme une marque de
qualité. Si bien que le territoire, espace de localisation
de la production, conditionne la valorisation de la
qualité des produits tout en favorisant une dynamique
collective en matière d’innovation (voir les travaux du
GREML). Or le recours à certains signes de qualité, de
par les contraintes fortes qu’il implique sur les produits
ou les processus de production, ne constitue-t-il pas un
frein à l’innovation, qui, elle, s’inscrit dans une logique
de flexibilité et d’évolution permanente, pour les
entreprises qui sont déjà rentrées dans cette démarche
d’adoption de signes de qualité ? C’est là la question à
laquelle ce chapitre se propose de répondre.
Ll s’agit de contribuer à l’analyse de la dynamique
qualité/innovation en proposant une entrée territoriale,
entrée qui se justifie de par le terrain d’application de la
recherche, le secteur agroalimentaire en Languedoc/
Roussillon. Nous proposons de nuancer l’approche
positive qui caractérise traditionnellement les relations
qualité/innovation en étudiant les effets de l’adoption de
procédures contraignantes sur les processus
d’innovation. Nousformulons l’hypothèse que les signes
de qualité liés au terroir constituent des freins à
l’innovation. Cette hypothèse est étudiée à partir des
résultats de l’enquête LNRA-PSDR, réalisée en 2003
auprès des entreprises agroalimentaires de la région
Languedoc-Roussillon et portant sur un échantillon
représentatif de 380 entreprises (voir chapitre
méthodologie de JN Pintard, H Remaud).
Afin d’expliciter la problématique retenue, nous
justifierons dans une première partie l’entrée territoriale
qui a été retenue, en précisant comment à partir du
territoire on est amené à s’intéresser aux signes de
qualité liés au terroir. Puis nous développerons, dans
une deuxième partie notre positionnement par rapport à
la problématique générale de la dynamique
qualité/innovation. La dernière partie sera consacrée à
la présentation et à la discussion des résultats.
I Du territoire aux signes de qualité
liés au terroir
L'enjeu économique du territoire en fait un objet de
recherche et d'analyse privilégié. Il suscite des modes de
gouvernance particuliers, il génère des ressources
spécifiques dont le terroir est une illustration et cela se
traduit par l'adoption de signes collectifs de qualité liés
au terroir, éléments qui sont au cœur de cette analyse.
A- Territoire et modes de gouvernance
Le territoire apparaît non seulement comme un espace de
localisation de la production mais également comme un
lieu d'information, d'apprentissage, d'échange et
d'innovation, de construction de ressources spécifiques,
basé sur une logique de coordination et de coopération
plus horizontale que verticale. Ce territoire est ainsi un
facteur de performance économique, de compétitivité
pour les régions comme pour les entreprises de ces
régions. Il devient alors l'objet de politiques de
développement et suscite des pratiques de gouvernance
territoriale au sens où la définissent Sylvander et Marty
(2000), comme "l'effet de la coopération entre acteurs au
1 GREMI : Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs. (Voir par exemple Maillatl 1994 ; Crevoisierl 1994)
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