DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
LES SIGNES DE QUALITÉ : FREIN OU MOTEUR DE L'INNOVATION EN AGROALIMENTAIREr LE CAS DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
manœuvre aux producteurs. Cela signifierait que les
signes individuels et non territorialisés sont les moins
contraignants pour le producteur, suivis par les signes
individuels et non territorialisés, ainsi que les signes
collectifs et non territorialisés, tandis que les signes
collectifs et territorialisés sont ceux qui laissent le moins
de marge de manœuvre. Cependant, les exemples
proposés à titre d'illustration montrent que les choses ne
sont pas aussi simples.
______________Collectifs______________ |
_______________I nclividuels_______________ | |
Territorialisés |
AOC/AOP, IGP +++ |
Marques propres comportant |
Non territorialisés__________________ |
Label Rouge,____________++ |
CCP, AB____________________+ |
+ contrainte faible, ++ contrainte moyenne, +++ contrainte forte
Figure 1 : Tableau de classification des signes de qualité selon
le degré de contraintes induites par les règles d'élaboration du
cahier des charges.
Ainsi, les marques propres faisant référence au terroir,
signes individuels territorialisés, ne comportent pas
réellement d'obligations, sinon un lien quelconque avec
le terroir en question. Elles sont donc peu contraignantes
pour le producteur, qui peut définir lui-même son produit
et le modifier quand il le souhaite.
Le Certificat de Conformité Produit atteste que le produit
est conforme à des caractéristiques spécifiques relatives à
la composition du produit ou à son mode de production
ou à son conditionnement. Le cahier des charges est donc
élaboré par le producteur lui-même, afin de protéger une
spécificité qu'il définit lui-même.
La mention "Agriculture Biologique" atteste de conditions
de production particulières, non liées spécifiquement à
un terroir, mais définies par des règlements extérieurs à
l'entreprise (fonctionnant plus comme une norme
nationale).
Le Label Rouge, signe collectif non territorialisé, atteste
d'une qualité supérieure du produit perceptible par le
consommateur final. Chaque groupement de producteurs
rédige son propre cahier des charges, qui doit dépasser un
niveau "minimal" défini par secteur au niveau national. Il
est prévu par ailleurs une réactualisation périodique des
critères de labellisation afin de prendre en compte les
évolutions qualitatives des produits courants.
L'innovation est donc d'emblée prise en compte dans ce
type de signe.
En revanche, IAOC et son pendant européen IAOP sont
définis par rapport à une origine géographique, ce qui
inclut non seulement les conditions naturelles de la
production, mais également les usages et les traditions,
c'est à dire le "facteur humain", qui fondent sa spécificité.
La construction d'un signe de qualité collectif de ce type
nécessite des négociations longues et délicates. En effet,
délimiter une zone de production d'un produit est une
décision aux conséquences très importantes. Prouver le
lien au terroir, une réputation ou une qualité particulière
est très difficile. Il est nécessaire d'intégrer des
considérations économiques et politiques et de gérer un
rapport de force entre les différents critères (Bérard et
Marchesnay, 2004).
Cette distinction des signes de qualité sera reprise pour
l'analyse des résultats.
Comme tout produit de consommation, les produits de
terroir ont un cycle de vie et doivent évoluer pour
s'adapter et pour renouveler l'offre. Mais, par ailleurs, ils
se doivent de respecter les cahiers de charges des signes
de qualité. Nécessité d'innover et respect des exigences
de qualité sont-elles compatibles ?
Il Innovation et qualité liée au terroir :
quelle dynamique ?
Après avoir précisé l'approche de l'innovation qui est
retenue dans ce chapitre, nous présenterons les relations
entre la qualité liée au terroir et l'innovation et
évoquerons l'existence possible de freins. En effet, s'il
apparaît, dans différents travaux, que qualité et
innovation sont étroitement et positivement liées, cette
observation est à nuancer dans le cadre particulier des
signes de qualité liés au terroir.
A- Une approche de l’innovation large et
relative
Afin de rendre compte des innovations existantes dans le
secteur agroalimentaire, il apparaît nécessaire de se doter
d'une définition opérationnelle qui permette de rendre
compte de la diversité des situations innovantes
rencontrées dans ce secteur. Cest pourquoi nous avons
privilégié une approche large et relative de l'innovation
qui met en avant l'importance des processus collectifs.
Si on entend par innovation l'introduction d'une nouveauté
dans le champ économique, cette nouveauté ne saurait
se limiter aux seuls domaines technologiques (innovation
de produit ou innovation de processus) mais doit aussi
inclure les innovations dans les pratiques managériales
3 La marque propre n’est pas un signe officiel de qualité. Nous la mentionnons cependant dans la mesure où elle représente un signe distinctif
susceptible d’être territorialisé.
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