DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
LES SIGNES DE QUALITÉ : FREIN OU MOTEUR DE L'INNOVATION EN AGROALIMENTAIRE, LE CAS DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
{Julien, 1994} telles que, par exemple, la mise en œuvre
d'une démarche qualité. Nous considérons qu'il est
nécessaire de dépasser la conception restrictive de
l'innovation centrée exclusivement sur les dimensions
strictement technologiques. La compétitivité de
l'entreprise passe aussi par l'introduction de nouveautés
dans les pratiques de gestion visant par exemple à
développer des capacités de travail en réseau avec les
clients ou les fournisseurs, à obtenir une certification
qualité et à engager l'entreprise dans un processus
d'obtention de signes de qualité, à trouver de nouveaux
marchés, à mettre en place des groupes de projets...
Cette conception large de l'innovation se combine avec
une approche transversale : le lancement d'un nouveau
produit ou la mise en place d'une nouvelle technologie
impose des innovations commerciales ou organisationnelles.
Il est alors nécessaire de développer une approche globale
et transversale de l'innovation [Tarondeau et Wright, 1995}.
Une telle définition des innovations correspond souvent
à des innovations moins radicales, plus relatives, qui n'en
constituent pas moins des sources de changement -
changement identifié selon la perception des dirigeants
le plus souvent - mais aussi d'amélioration de la
productivité pour l'entreprise. Les innovations radicales
sont peu nombreuses et rares au regard des multiples
évolutions de produits, de processus et d'organisation que
l'on peut constater. La notion d'innovation apparaît alors
toute relative.
Le caractère innovant s'apprécie par rapport à un
environnement qui va du niveau le plus local (celui de
l'entreprise, de sa localisation dans une région) à un
niveau plus global (son pays ou son marché mondial).
Ainsi une entreprise peut mettre au point un nouveau
produit, sans concurrent connu, élaboré par exemple
selon une recette ancienne, commercialisé dans un
contexte purement local (voir le cas des grisettes de
Montpellier) puis trouver un marché géographiquement
plus large, il s'agit alors d'une innovation au sens le plus
strict. Mais, elle peut aussi innover en proposant un
produit nouveau localement ou en lançant un nouveau
conditionnement déjà utilisé dans d'autres secteurs, là
l'innovation est toute relative.
Ces stratégies s'inscrivent toutes dans une logique de
recherche d'un avantage concurrentiel fondé sur
l'obtention d'une différenciation génératrice d'une
situation monopolistique. Cest là la finalité poursuivie
Iors de l'introduction de toute innovation.
Si cette approche relative de l'innovation correspond aux
observations réalisées sur le terrain, elle contribue à
rendre plus floue la notion d'innovation, qui doit alors
s'apprécier par rapport aux changements structurels
quelle entraîne dans l'entreprise (remise en cause des
traditionnelles frontières fonctionnelles et réorganisation
du travail). Afin de fonder un avantage concurrentiel
durable sur l'innovation, celle-ci ne peut se limiter à une
innovation unique, même si elle apparaît comme radicale ;
d'autant plus que ce cas est assez limité [Carrier et
Garant, 1996}4. "L'innovation n'est plus l'exception, elle
devient la règle et s'inscrit de façon permanente dans la
vie des organisations" [Ingham, 2001, p 83}. Cela
implique de mettre en place dans les entreprises des
processus transversaux qui favorisent la créativité et qui
ont un caractère durable, autorisant de ce fait des
apprentissages collectifs au-delà des apprentissages
individuels.
Il apparaît alors nécessaire de se préoccuper autant du
contexte organisationnel dans lequel se développe
l'innovation que de l'environnement de l'entreprise, ce
dernier pouvant alors favoriser ou freiner le processus. La
structure organisationnelle et les pratiques de gestion
constituent autant de variables internes qui vont
permettre ces apprentissages et les inscriront dans la
durée. L'existence d'un territoire porteur en matière
d'innovation et le développement d'un milieu innovateur
sont autant de facteurs qui dynamisent ce processus
d'innovation.
Il est nécessaire d'inscrire dans le temps l'analyse de
l'innovation. Le recours à la notion de processus le
permet. Ainsi, dans notre étude, si, du point de vue
méthodologique, nous nous positionnons à un moment
donné pour observer la nature des innovations
développées, nous nous inscrivons bien dans un processus
innovant, étudiant les entreprises après quelles aient
adopté un signe de qualité.
L'innovation en matière de produits alimentaires de
terroir apparaît comme un processus complexe qui doit se
situer tout au long de la chaîne de valeur du produit. Elle
concerne le produit lui-même mais aussi de nouvelles
méthodes de marketing en adéquation avec l'image du
produit de terroir tout comme les processus de
production. Le rôle de la coordination collective dans la
gestion des terroirs prend ici toute son importance.
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4 C Carrier et D. Garant reprenant diverses études constatent que la majorité des innovations réalisées dans les entreprises sont plus des innovations de
routine que des innovations radicales. Ils citent par exemple l'étude réalisée par Brisoux (1988) où seulement 11 °/o des innovations étudiées ont un
caractère absolu.