notre grille d’analyse fait une place large aux jeux d’acteurs, elle n’en occulte pas pour autant
l’importance de facteurs plus structurels dans la détermination des politiques nationales (état
de l’économie, rôle des ressources naturelles...)
1.2.2 L’approche de la dépendance au sentier
La notion de dépendance au sentier constitue un des éléments essentiels de la théorie du
changement institutionnel développée en économie néo-institutionnelle : elle renvoie à l’idée
d’un changement graduel, qui se ferait suivant une même direction donnée, en empruntant un
même sentier (North, 1990). Le changement institutionnel est souvent décrit en référence à
une dynamique à deux vitesses, où des périodes longues de changements graduels alternent
avec des périodes courtes de changements radicaux (Denzau et North 1994). Les longues
périodes sont celles où le développement emprunte un même sentier (où la dépendance au
sentier s’exprime donc) ; les courtes périodes sont celles au contraire où un nouveau sentier
est créé. Mahoney (2001) propose un schéma séquentiel qui permet de rendre compte à la fois
des phénomènes de continuité et de ruptures institutionnelles. Dans sa version la plus frustre,
l’approche de la dépendance au sentier revient à dire que « le passé compte ». Nous
souhaitons toutefois aller plus loin dans l’analyse et identifier les mécanismes qui font que le
passé compte : pour ce faire nous nous appuyons sur les développements théoriques de
Pierson (2000) en sciences politiques qui cherchent à révéler les facteurs qui conduisent à une
certaine continuité des processus politiques. Nous faisons l’hypothèse que les formes que
revêtent aujourd’hui les politiques de développement durable dépendent des formes que
revêtaient hier les politiques agricoles et rurales et de leur niveau d’encastrement dans les
trajectoires historiques de construction des structures politico-administratives. Pour pouvoir
tester cette hypothèse à partir de la comparaison des cas Mali et Madagascar, nous décrivons,
dans chaque cas, les trajectoires de construction et de mise en œuvre des politiques agricoles
et rurales (sur la période longue) et les politiques de développement durable (sur la période
plus récente). Par une analyse des jeux d’acteurs, nous montrons que la prise en compte des
processus politiques passés permet de mieux comprendre les processus politiques
contemporains.