2. L’insertion du développement durable dans les politiques malgaches et
maliennes
Au Mali et à Madagascar, nous décrivons les trajectoires de construction des politiques
agricoles et rurales et plus récemment la façon dont le référentiel du développement durable
est venu s’insérer dans ces trajectoires. Les descriptions révèlent des différences que nous
chercherons ensuite à expliquer.
2.1 Construction des politiques agricoles et rurales sur le temps long
Une analyse historique de la construction des politiques agricoles et rurales dans chacun de
ces deux pays nous conduit à schématiser cette construction par la succession de différentes
périodes depuis plus d’un siècle. Les deux pays ont connu une période coloniale entre le début
du XXème siècle et les années 1960 au cours de laquelle leur secteur agricole sera un des
principaux enjeux pour la métropole, ce qui se traduira par la mise en place de politiques
agricoles et rurales fortement interventionnistes, voire dirigistes (politiques d’irrigation,
d’intrants, de prix, de commercialisation, de vulgarisation, d’importation, d’exploitation de la
forêt). Après les indépendances, ces politiques ont été prolongées sous des formes diverses,
avant d’être fortement remises en question et partiellement démantelées lors de la période de
l’ajustement structurel, à partir des années 1980 où les Etats ont été incités à se désengager de
la gestion directe du secteur agricole et à libéraliser progressivement les marchés agricoles. Si
cette description très générale peut s’appliquer aux deux pays, l’étude plus précise des
trajectoires nationales révèle l’existence de différences sensibles, que nous cherchons à mettre
en valeur.
2.1.1 Madagascar, une libéralisation freinée
La mise en place des politiques agricoles et rurales s’est faite de manière plus précoce à
Madagascar qu’au Mali. Elle a eu lieu dès la fin du XVIIIème siècle (bien avant la période
coloniale donc) : on peut faire remonter les premières politiques agricoles malgaches au règne
du roi Andrianampoinimerina (1787-1810) qui a mis l’agriculture au centre de son action
politique, par des mesures d’aménagement des rizières, de réglementation des systèmes
d’irrigation, d’exhortation au travail et à la corvée, d’organisation du travail collectif, de
soutien de l’innovation technique, de distribution des terres et du capital ou encore de levée de
l’impôt (Abe, 1984). L’intervention d’un pouvoir central fort s’est ensuite maintenue lors des
régimes suivants, porteurs pourtant d’idéologies très différentes, et ce pendant plus d’une
centaine d’années : modernisation de l’Etat sous les souverains suivants jusqu’en 1896,