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4. Epilogue : Importance du facteur d’echelle pour l'etude du
mouvement humain et au-dela
La recherche rapportee dans ce chapitre, qui s’intёresse au theme du mouvement orient® vers
un but, ®tudi® dans la perspective inauguree il y a exactement un demi-siecle par Fitts (1954),
accorde une importance inusit®e a la notion d’®chelle. Ce traitement syst®matique de la
variable d’®chelle nous a conduits a proposer une revision de l'espace conceptuel du
paradigme du pointage, a relativiser le principe d’isochronie et a ®tendre le paradigme aux
mondes d’information multi-®chelle.
Revision de l’espace conceptuel du paradigme du pointage. Au niveau le plus fondamental, ce
travail repose d’abord sur un examen critique du nombre et de l’identit® des variables
ind®pendantes qui constituent le paradigme du pointage (Guiard, 2001). Depuis Fitts (1954),
l’usage a ®t® de raisonner en termes de distance, de tol®rance, et de difficult®. Constatant qu’il
est impossible de d®meler logiquement ces trois variables, nous avons montr® qu’il est
possible de capturer l’essence de notre probleme avec un nouvel ensemble de deux variables
ind®pendantes, celles-la rigoureusement orthogonales l’une par rapport a l’autre : la difficulte,
d®finie comme une amplitude relative et donc comme une forme, et exprimable comme un
rapport sans dimension (ou comme le logarithme de ce rapport), et l’echelle, d®finie comme
une amplitude absolue poss®dant la dimension d’une longueur.
Cette r®vision th®orique clarifie le paradigme classique du pointage. Elle permet en
particulier de dissiper un faux probleme empirique qui a longtemps encombr® les esprits, celui
de l’effet de la tol®rance d®finie comme une longueur: le probleme ®tait mal pos® puisque si
l’on fixe l’amplitude, l’effet de la tol®rance s’identifie in®vitablement a celui de la difficult®
de la tache. On comprend retrospectivement pourquoi les resultats publi®s sur ce sujet
apparaissent embrouill®s. Ensuite, et surtout, la nouvelle approche permet de se pr®munir
contre certaines confusions factorielles dont l’effet a ®t® d’introduire du bruit statistique dans
les donn®es de la litt®rature classique (Guiard, 2001).
En meme temps, nous voyons s’ouvrir devant nous de nouvelles directions de
recherche concernant le rðle de l’®chelle dans la determination des lois du mouvement
humain. Les question qui se posent, inaccessibles tant que l’on ne se donne pas un concept
d’®chelle explicite, sont assez ®videntes dans la nouvelle approche, et assur®ment traitables,.
Nous sommes invit®s non seulement a ®largir la d®finition de notre objet, le mouvement, en
incorporant le pointage de type locomoteur, mais encore a nous affranchir des contraintes de
notre environnement physique traditionnel pour consid®rer le cas des mondes ®lectroniques
auxquels nous confronte la technologie informatique depuis une vingtaine d’ann®es et qui
sont des mondes de pure information.
Relativisation de l’isochronie. La loi de Fitts, qui implique la conservation d’une dur®e, le
temps de mouvement, a travers des changements d’®chelle, est une isochronie. Mais cette
invariance remarquable d’une mesure de temps face a des transformations homoth®tiques de
la tache, la litt®rature ne l’avait ®prouv®e que sur de tres courtes gammes d’®chelle. Notre
®tude prend cette variable plus au s®rieux en consid®rant des gammes de variation
d’amplitude beaucoup plus ®tendues qu’on ne l’a fait jusqu’ici. Elle montre th®oriquement et
exp®rimentalement que la loi de Fitts ne peut tenir, et ne tient effectivement, que dans un
intervalle d’®chelle limit®, l’intervalle d’isochronie : en dessous d’un certain minimum
d’®chelle (de l’ordre du mm), aucune performance n’est possible ; au-dessus d’un certain seuil
(de l’ordre du m), le mouvement adopte la forme d’un pointage locomoteur et la loi de Fitts