127
Iransfiguratrice du rêve alors qu’il permet la transformation d’un lieu hostile en espace
accueillant grâce à la vision poétique. Dans le premier texte, il s’agit de transfigurer la
chambre de bonne où habite le poète en un lieu d’éternelle béatitude, pour l’autre, de
rendre un paysage hostile et désordonné plus urbain, maîtrisé et régulier.
Si le rêve est à saisir dans l’instant de son apparition capricieuse, la rêverie est une
faculté de l’homme qui doit être cultivée et provoquée, toujours dans le but de déclencher
une perception esthétique. Ainsi dans le poème « Le Soleil », Baudelaire dépeint la
manière dont le poète recherche ces vagabondages de l’esprit dans les rues de la capitale,
à la recherche d’une vision poétique faite de rimes, de mots, de vers enfin :
Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés
Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,
Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.370
Au sujet de la rêverie, il me faut nuancer la distinction entre le flâneur, c’est-à-dire le
rêveur éveillé, et le poète que trace Foucault dans son essai « Qu’est-ce que les
Lumières ? ». Si Baudelaire statue que l’homme moderne « a un but plus élevé que celui
d’un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance »371, le
poète ne considère cependant pas, comme le prétend le philosophe, que toute rêverie
s’oppose à la création poétique.372 Baudelaire ne condamne que la flânerie pure, c’est-à-
370 Charles Baudelaire, « Le Soleil », Les Fleurs du mal 83, v.3-8.
371 Le Peintre de la vie moderne 694.