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symbole de l’élan vital, leur propose tantôt : « Prenez un verre de bière » tantôt
« Reprenez vos couleurs / les couleurs de la vie ».376 Les escargots, les autres bêtes
peuplant les bois, ainsi que la végétation environnante se regroupent finalement pour
chanter en cœur « La vraie chanson vivante / La chanson de l’été »377 ; les escargots
repartent finalement heureux, ivres d’alcool et de bonheur. Cet éloge à la saison estivale
et au comportement épicurien de la nature est bien sûr une leçon de vie métaphorique : le
poète cherche à encourager l’humanité à profiter pleinement de l’existence, en particulier
des périodes heureuses de la vie, sans dramatiser outre mesure les moments difficiles ou
la mort.
L’état nostalgique est aussi pour Prévert un moyen privilégié pour accéder à une
perception poétique en retrouvant un bonheur esthétique connu jadis. Tout d’abord, le
poète attribue à la nostalgie le pouvoir de dépasser le temps et de transcender la réalité
présente pour ressusciter à volonté des objets absents ou perdus qui ont une valeur
particulière pour le rêveur. Ainsi dans « Vainement », le poète raconte sa tristesse et son
impuissance lorsque, enfant, il devait se résoudre à quitter un parc à sa fermeture : « Le
moment est venu de se faire une raison / Déjà au fond du square on entend le clairon / le
jardin va fermer ».378 Métaphore pour la mort et pour toute autre perte que doit endurer
l’homme dans son existence, ce poème se termine par une leçon de vie concernant le
pouvoir revitalisant et transfigurant du souvenir. La voix poétique se rappelle finalement
avec nostalgie que « Lejardin reste ouvert pour ceux qui l’ont aimé »379, c’est-à-dire pour
376 v.17; v.29-30.
377 v.35-36.
378 Jacques Prévert, « Vainement », Spectacle 431, v.25-27.
379 v.31.