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contact avec le lacet brisé et la fête — deux éléments qui étaient sans nul doute liés à cet
être dans le passé.383
Dans la « Chanson du geôlier », c’est une position de la main qui permet le flash
réminiscent. Ici, l’amant accepte la possible fin de sa relation, affirmant qu’il retrouvera
éternellement dans le futur les plaisirs de son amour en positionnant ses mains en creux.
Ainsi faisant, assure-t-il, il pourra à tout moment ressentir le bonheur sensoriel et
émotionnel de toucher la poitrine de sa maîtresse. Le poète explique :
Et si je reste seul
Et elle en allée
Je garderai seulement
Je garderai toujours
Dans mes deux mains en creux
Jusqu’à la fin des jours
La douceur de ses seins modelés par l’amour.384
Au sujet de l’état nostalgique, Gasiglia-Laster et Laster nuancent cependant son
caractère positif dans les écrits prévertiens, remarquant par exemple que dans le poème
« Sang et plumes », « [s]on pouvoir bénéfique [...] peut avoir un revers maléfique :
prolonger la souffrance ou la ranimer. »385 Dans ce texte, le poète opte de ne pas se
383 Gasiglia-Laster et Laster émettent d’ailleurs l’hypothèse que le fait conduisant à la réminiscence — le
lacet cassé — s’inspire d’un passage du roman Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust. Dans ce texte, le
narrateur proustien revoit sa grand-mère décédée penchée sur lui alors qu’il déboutonne sa bottine (vol. 1
1074). L’indication de Gasiglia-Laster et Laster est d’autant plus pertinente que Proust lui aussi attribue
une importance cruciale à la réminiscence dans ses récits.
384 v. 19-25.
385 vol. 1 1211.