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« une image se dissout dans leur dernière larme ».404 Il s’agit d’abord d’accepter ce passé
en tant que tel et de ne plus y revenir: «J’accepte... J’accepte... entièrement, sans
réserve... / ma race qu’aucune ablution d’hypsope et de lys mêlés ne pourrait purifier »,
avoue le poète.405 Puis, de se constituer une nouvelle force vitale en se souvenant de la
démarche de perception des ancêtres africains, basée sur l’ouverture à l’irrationnel.
En décrivant la folie comme un « merveilleux entrechat rêvé »406, Césaire
considère finalement l’onirique et l’imagination comme deux états étroitement liés,
reconnaissant au rêve le pouvoir de déclencher la merveille ou l’élément imaginaire en
général. L’onirique est d’ailleurs un état central dans le développement de la perception
et de la production poétiques à partir de l’époque symboliste puisqu’il aide à accéder à
l’expérience voyante, c’est-à-dire à la vision transfigurante. A ce propos, Aristide
Maugée remarque que « [l]a poésie moderne, à partir de Rimbaud, place dans le rêve le
secret de toute création. [...]. D’une telle poésie, A. Césaire est l’héritier. »407 Plus
particulièrement dans le cadre de la culture négro-africaine dont s’inspire le poète, Ménil
souligne aussi que « [l]e rêve est une fonction naturelle assurant à l’homme l’apparition
des merveilles ».408
404 240. Un autre poème césairien intitulé « Beau sang giclé », tiré du recueil Ferrements (1960), exprime
une révolte similaire pour dépasser cette partie de l’histoire noire, histoire trop ressassée à son goût. Après
avoir décrit les dégâts de sa terre natale mutilée par les occidentaux, le poète prévient : « enfances enfances
conte trop remué / l’aube sur sa chaîne mord féroce à naître ». Œuvres complètes, ed. Jean Paul Césaire,
vol. 1 (Fort-de-France : Désormeaux, 1976) 170.
405 Cahier 70.
406 Cahier 60.
407 Aristide Maugée, « Aimé Césaire, poète ». Tropiques 5 (1942) : 13.
408 1 5.