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Chapitre III
Vers une satisfaction et une sérénité existentielles
La réalité de l’homme n’est pas de la nature des
choses qui sont ; elle n’est pas donnée, elle est à
conquérir, elle est toujours en dehors d’elle-même.
[...] De là, la primauté de l’imaginaire, l’appel au
merveilleux, l’invocation au surréel. La poésie et la
vie sont ‘ailleurs’ [...]. Mais ‘ailleurs’ ne désigne
pas une région spirituelle ou temporelle : ailleurs
n’est nulle part ; il n’est pas l’au-delà ; il signifie que
l’existence n’est jamais là où elle est.409
Après avoir cerné le mode de fonctionnement de la perception par transfiguration
esthétique, je déterminerai ici les effets d’une telle vision comme mis en avant dans les
textes des trois auteurs. Cela me conduira à relever les deux actions qui me paraissent
essentielles dans une discussion sur le dépassement du malaise humain et social, à savoir
l’apparition d’une certaine sérénité et satisfaction existentielles, d’un côté, et
!’établissement d’un discours épistémologique et social subversif de l’autre. Dans la
première partie de ce chapitre, j’affirmerai en effet que la perception par transfiguration
esthétique permet de revaloriser la vie et la réalité en relevant une valeur esthétique et un
intérêt inédits aux choses, ainsi que de réinstaurer un ordre et une harmonie cosmique en
tissant des relations infinies entre les éléments perçus. Cette dynamique conduit à terme
à dépasser l’angoisse existentielle et à ressentir un contentement de vivre, et ce malgré
des conditions de vie précaires.
D’autre part, je montrerai dans la seconde partie de ce chapitre en quoi la vision
transfigurante questionne les normes et les visions préconçues et figées et se pose donc
naturellement comme subversive face à un mode de pensée dominant qui est incapable de
409 Maurice Blanchot, « Quelques réflexions sur le surréalisme », L’Arche 8 (1945) : 100-101.