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protégé par une forme divine, il suit le cours de sa vie dans une volupté et un calme sans
pareil. En d’autre termes chez Baudelaire, la perception transfigurante semble être à
même d’apporter un sentiment de félicité et de calmer l’angoisse existentielle chez celui
qui en fait l’expérience.
Tout d’abord, la vision transfigurante que valorise Baudelaire a pour effet de
conduire à une certaine satisfaction de vivre en revalorisant l’existence et le monde qui
nous entoure. Elevé par l’usage d’états liés à l’irrationnel, l’esprit poétique peut ainsi
retrouver le véritable sens de l’existence et de ce qui l’entoure : « dans certains états de
l’âme presque surnaturels, affirme le poète, la profondeur de la vie se révèle toute entière
dans le spectacle, si ordinaire qu’il soit, qu’on a sous les yeux ».415 Gautier remarque par
exemple que Baudelaire réussit, par ses qualités perceptives, à dévoiler la valeur et les
qualités précieuses cachées derrière chaque mot, expliquant que pour son ami, « [i]l y a
des mots diamant, saphir, rubis, émeraude, d’autres qui luisent comme du phosphore
quand on les frotte, et ce n’est pas un mince travail de les choisir. »416 Cette esthétisation,
qui permet d’attribuer un intérêt inédit aux choses, permet par conséquent d’outrepasser
l’ennui et l’insatisfaction dans le monde pour élever vers un sentiment de volupté
extrême. Ainsi dans « La Chambre double », le poète en pleine vision s’exclame de joie
au terme de sa vision transfigurante : « O béatitude ! ce que nous nommons généralement
la vie, même dans son expansion la plus heureuse, n’a rien de commun avec cette vie
suprême dont j’ai maintenant connaissance et que je savoure minute par minute, seconde
par seconde ! »4'7 Le poème « Hymne à la beauté » montre que c’est bien l’esthétique
415 Fusées 659.
416 46.