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qui se trouve au cœur de ce sentiment de volupté : la beauté permet en effet clairement ici
de rendre la vie plus heureuse, les joies esthétiques rendant « L’univers moins hideux et
les instants moins lourds ».418 La vision poétique serait même capable de dépasser
l’angoisse existentielle en dévoilant le beau et l’intérêt du post-mortem, comme l’affirme
Baudelaire en déclarant « c’est à la fois par et à travers la poésie [...] que l’âme entrevoit
les splendeurs situées derrière le tombeau ».419
A propos de la transfiguration de la nature dans les œuvres de Baudelaire,
Blanchot remarque aussi cette revalorisation du réel et Iajoie qui en découle, ainsi que le
caractère d’élévation de cette vision par rapport à une considération plus rationnelle et
commune des choses :
c’est la nature entière qui est transformée et, à cause de cela, elle nous
intéresse, elle nous importe comme n’étant plus la nature, mais la nature
dépassée, réalisée dans son dépassement, la surnature, et cet intérêt n’est
pourtant pas un mouvement dans le vide, étranger au réel, il nous renvoie
au contraire à chaque objet qui ainsi apparaît dans la lumière du
mouvement qui le dépasse et, loin de se perdre dans une subjectivité
dissolvante, s’affirme alors tel qu’il est [...].420
417 Charles Baudelaire, « La Chambre double », Petits poèmes en prose 281.
418 Charles Baudelaire, « Hymne à la beauté », Les Fleurs du mal 25, v.28.
419 Notes nouvelles sur Edgar Poe 334.
420 La Part du feu 139.