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Dans « Rêve parisien », par exemple, le spectacle banal des éléments naturels est
transfiguré et se transforme en une vision complexe mélangeant le naturel à l’urbain et
l’humain, paysage qui « ravit »421 désormais le rêveur.
Il en est de même pour les personnages féminins, instances purement naturelles
d’après Baudelaire. La transfiguration de leurs caractéristiques morales et physiques
permet aussi d’en élever la valeur. Dans Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire insiste
sur cet effet et sur le résultat unique qu’il produit : l’usage de l’artifice et du maquillage
transforme la femme qui « accomplit [ainsi] une espèce de devoir en s’appliquant à
apparaître magique et surnaturelle ; idole, elle doit dorer pour être adorée. »422 En parlant
d’adoration, c’est d’une divinisation, valorisation à l’extrême, qu’il s’agit. La femme
perd sa banalité et son naturel pour se transformer en muse, en idole, et donc en beauté
suprême, à travers la transfiguration. Gautier explique ce processus, relevant que dans les
représentations baudelairiennes, « [les femmes] représentent l’étemel féminin, et l’amour
que le poète exprime pour elles est l’amour et non pas un amour, car nous avons vu que
dans sa théorie il n’admettait pas la passion individuelle, la trouvant trop crue, trop
familière, trop violente. »423 La femme devenue idéale prend une valeur et un caractère
précieux inédit ; elle représenta alors : « l’idéal est désiré, jamais atteint, la beauté
supérieure et divine incarnée sous une forme de femme éthérée, spiritualisée, faite de
lumière, de flamme et de parfum, une vapeur, un rêve [...] ».424 Ainsi dans le poème
« Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire », la maîtresse se fait « L’Ange gardien » et
421 V. 4.
422 7 1 7.
423 35-36.
424 Gautier 36.