147
changements du paysage urbain qui conduit au retour de l’ordre dans un monde
désormais instable et en constante évolution. Par une vision transfigurante, le poète
redessine une certaine unité humaine en rapprochant tous ceux qui ont la nostalgie d’un
endroit aimé.434 De même, le poème intitulé « Les Foules » illustre en quoi la perception
poétique permet d’unir et de fusionner les éléments du monde les plus divers. Baigné
dans la masse humaine, le poète transfigure cette sensation de multitude pour atteindre
une harmonie humaine universelle. Sentant son être se dédoubler et devenir l’infinie des
personnages et des vies qui l’entourent, il finit en effet par « adopte[r] comme [s]iennes
toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui
présente » jusqu’à jouir d’une « universelle communion ».435
La nature, qui représente pour Baudelaire le modèle même du désordre et du
contingent existentiels, est objet récurrent de cette vision transfigurante dans le but d’en
dégager une certaine cohérence et contrôle. Sachant l’aversion du poète pour l’état brut
et naturel, renvoyant à son angoisse du néant et le manque de contrôle humain dans
l’existence, la transfiguration à laquelle procède systématiquement Baudelaire pour
décrire la nature est d’autant plus significative. Sartre remarque à ce sujet que pour le
poète, l’intégration des éléments naturels dans l’urbain a pour effet de les « [...] unifi[er]
par une pensée maîtresse. [...] Une réalité naturelle, lorsqu’elle est travaillée et passée au
rang d’ustensile perd son injustifiabilité », constate-t-il.436 Le texte « Rêve parisien »
propose ainsi la transformation d’un « terrible paysage »437 vers une vue harmonieuse.
434 v.29-31.
435 Charles Baudelaire, « Les Foules », Petits poèmes en prose 291.
436 Baudelaire 121.
437 v.l.