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Ici, le poète se félicite finalement qu’à travers sa vision : « [II] avai[t] banni de ces
spectacles / Le végétal irrégulier ».438 Le naturel, élément désordonné et donc menaçant,
devient en effet un décor organisé et serein: c’est désormais une «[...] enivrante
monotonie / Du métal, du marbre et de l’eau ».439 Par exemple le naturel aquatique, s’il
reste présent, est dominé : le poète décrit en effet « les étangs dormants » et « un océan
dompté » par le pouvoir humain parce qu’il passe « sous un tunnel de pierreries ».440 De
même dans « Correspondances », les éléments naturels s’harmonisent à travers la
perception transfigurante ; désormais, ils interagissent et « [...] se confondent / Dans une
ténébreuse et profonde unité ».441 Cette union, « [v]aste comme la nuit et comme la
clarté »442, semble éternelle et infinie : elle permet de réconcilier dans une osmose
parfaite le nocturne et le diurne pour n’en faire qu’un seul et même état. En somme, dans
le contexte perceptif de la transfiguration esthétique, la nature transfigurée par le poétique
devient bien une matière contrôlée et apaisée.
Dans la quête d’harmonie et d’ordre qu’entame Baudelaire par une perception
transfigurante, l’esthétique de l’horreur est un outil essentiel puisque ce procédé permet
par définition de relier et d’unir ce qui semble être le plus opposé, à savoir le beau et le
dénigré. Ainsi, Cassou-Yager explique au sujet de la démarche de création
baudelairienne :
438 v.7-8.
439 v.l 1-12.
440 v.22 ; v.40 ; v.39.
441 v.5-6.
442 v.7.