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« La Madone »425 du poète, deux statuts qui lui attribue une haute valeur, un intérêt
surhumain. Les attributs de la bien-aimée ne sont plus de l’ordre du terrestre et du
charnel mais sont sacralisés : son « regard divin » et sa « chaire spirituelle a le parfum des
Anges ».426
Ce processus de revalorisation est néanmoins le plus significatif lorsqu’il porte
sur des éléments traditionnellement dénigrés comme ceux de l’ordre du quotidien, du
commun ou de l’horreur. D’après Baudelaire en effet, le poète frappé d’inspiration est
capable d’« ennobli[r] le sort des choses les plus viles ».427 C’est d’ailleurs le but avoué
de ses Fleurs du mal vis-à-vis de Paris. A la fin de son œuvre, le poète s’adresse à la
ville-muse en lui affirmant : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de Γor. »428 De même
dans «Les Petites vieilles», le poète souligne qu’à travers sa perception de la ville,
« tout, même l’horreur, tourne aux enchantements ».429 Dans « Le Vieux saltimbanque »
par exemple, la fête foraine rassemblant les déshérités de la société prend une valeur et un
intérêt inédits. A travers une vision transfigurante, la parade se fait événement riche de
vie, d’agitation et de poésie :
Tout n’était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte ; les uns
dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux.
Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir
425 Charles Baudelaire, « Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire », Les Fleurs du mal 43, v.14.
426 v.4 ; v.7.
427 « Le Soleil », v.18.
428 « Projet d’un épilogue pour l’édition de 1861 [II] », v.34.
429 v.2.