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profit de l’irrationnel et de l’imagination sans limites: «nous nous réclamons de la
démence précoce de la folie flamboyante », statue-t-il.398 De cette optique, le poète rend
un long hommage à ces peuples qui, au contraire de la plupart des sociétés
contemporaines, ne cherchent pas à contrôler le monde par la raison ou l’utilité mais
restent ouvert à leurs sens et aux élans naturels dans leur compréhension et leur réaction
face aux événements de la vie ; parlant de ces peuples, il indique :
[...] ils s’abandonnent, saisis, à l’essence de toute chose
ignorants des surfaces mais saisis par le mouvement de toute chose
insoucieux de dompter mais jouant le jeu du monde
véritablement les fils aînés du monde
poreux à tous les souffles du monde399
Il est indéniable que la perception de ses peuples, de tradition négro-africaine sans nul
doute dans le cas des écrits de Césaire, privilégie par conséquent une ouverture à certains
états naturels comme l’imagination.
En ce qui concerne l’état nostalgique, Césaire le chérit autant comme inspiration
poétique que facteur socio-politique, c’est-à-dire de par son pouvoir de permettre aux
peuples martiniquais de retourner en contact avec une culture ancestrale négro-africaine
qui leur donne accès à cette perception esthétisante. Plus particulièrement au sujet du
peuple antillais, le poète revendique clairement sa lutte pour la restauration de la mémoire
de ses origines, affirmant désormais fièrement : « mon pays est la ‘lance de nuit’ de mes
ancêtres Bambaras ».400 Au niveau poétique même, il s’agit de développer une esthétique
398 5 3.
399 Cahier 67.