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pas être mis en cellule.647 S’il aime s’opposer aux décideurs et au pouvoir, c’est plus
pour contenter ses élans anarchistes que par attente d’un résultat concret dans le système
en place. Queneau remarque à ce propos que « [d]ans les scandales et manifestations
[organisés par les surréalistes], qu’il s’agit de conspuer ou d’applaudir, Prévert était
toujours le premier à sauter sur scène [...]. Il faisait cela par amitié pour Breton, c’est
tout, il jugeait cette agitation cocasse [...] ».648
En fait, Pré vert conçoit toute lutte contre le mode de penser et d’agir instauré par
les instances politiques, intellectuelles, sociales, militaires et religieuses dominantes
comme vaine. Au sujet de la démarche de vie capitaliste par exemple, Maurice Cury met
en effet en garde que, d’après le poète, « celui qui ne veut pas entrer dans le moule, dans
l’engrenage de la production, du travail, de l’exploitation, qui recherche une autre vie, la
vraie vie peut-être, ne peut être que broyé ».649 Il est vrai que les textes prévertiens
mettent en scène l’ouvrier non comme un héros capable de guider l’humanité vers une
vision plus satisfaisante du monde, mais seulement comme un représentant d’un mode
possible de perception transfiguratif.650 C’est le cas dans « Le Temps perdu ». Le ton
soumis qui marque la fin du poème exprime bien cette résignation face à la réalité : bien
que le poète regrette l’exploitation et le manque de liberté dont souffre l’ouvrier et qui
647 Cité par Henri Béhar, « Prévert, surréaliste de la rue », eds. Aurouet, Compère, Gasiglia-Laster et Laster,
23.
648 231.
649 Maurice Cury, « Un Réalisme poétique », Europe 748-749 (1991) : 98.
650 Ce fatalisme est flagrant dans le cinéma prévertien par la récurrence d’une prédestination au malheur qui
frappe les protagonistes. Dans « Jacques Prévert, poète tragique du cinéma français », Robert Pilati résume
cette destinée ainsi : « dans un décor sordide, [...] un homme marche et quelqu’un invisible, marche à côté
de lui : c’est le Destin. L’homme vient de loin, il a un passé triste qu’il voudrait oublier. Il rencontre une
belle fille : il l’aime, elle l’aime [...]. Mais les gens ne veulent pas [...] et lui il se révolte, d’abord, il crie
très fort, et puis, fatigué, il se laisse couler ». Le Cinéma de Jacques Prévert, ed. Bernard Chardère
(Bordeaux : Le Castor Astral, 2001) 345. Cette dynamique s’observe par exemple dans les films de
Prévert intitulés Le Jour se lève et Le Quai des brumes.
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