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Conclusion
A partir du romantisme, la tâche de l’artiste ne sera
plus seulement de créer un monde, ni d’exalter la
beauté pour elle seule, mais aussi de définir une
attitude. L’artiste devient alors modèle, il se propose
en exemple : l’art est sa morale. Avec lui commence
l’âge des directeurs de conscience.690
Le concept de «révolte» défini par Camus dans son essai L’Homme révolté
permet de résumer les caractéristiques et les différences fondamentales qui marquent la
réaction des trois auteurs face à une condition humaine et sociale problématique, ainsi
que leur conception particulière de la perception par transfiguration esthétique qui y
répond. Le lien entre la notion Camusienne de révolte et l’attitude de Baudelaire, Prévert
et Césaire est pertinent pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce concept de révolte décrit
une réaction qui se développe uniquement en Occident à l’ère moderne, comme l’est la
perception poétique qui m’occupe. De plus, la révolte, comme la vision transfigurante,
adresse des situations humaines et sociales qui se constituent sujets d’investigation depuis
le passage à la modernité. Enfin, la vision esthétisante s’apparente à la révolte
Camusienne dans ses effets et ses buts mêmes : réagir à ce nouveau contexte moderne en
cherchant à retrouver une unité cosmique et des repères pour l’humanité.
Comme je l’ai démontré dans mon étude, l’apparition de la transfiguration
esthétique comme réponse au malaise humain et social est liée à des phénomènes
marquant le passage moderne tels que l’avènement d’un discours sociologique sur
l’homme et l’abandon du divin explicateur. Dans ce contexte, la démarche de perception
transfigurante détient bien les caractéristiques d’un élan de révolte. D’une part en effet,
Camus relie explicitement la réaction révoltée à la montée du pouvoir humain dans
690 Camus 74.