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!’explication du monde, concluant que « [l]e problème de la révolte n’a [...] de sens qu’à
l’intérieur de notre société occidentale. On pourrait être tenté alors d’affirmer qu’il est
relatif au développement de l’individualisme [...] »691, ou bien encore à 1’« accroissement
dans l’homme de la notion d’homme ».692 En rapport avec cette prise en charge humaine,
la réaction des trois poètes se rapproche particulièrement de ce que définit Camus comme
« révolte métaphysique »693, c’est-à-dire un mouvement d’indignation face aux faits
injustes ou inexplicables survenant dans l’existence, comme la misère et la mort.694 En
effet nous dit Camus, « [l]a révolte naît du spectacle de la déraison, devant une condition
injuste et incompréhensible »695 ; le révolté est alors « [u]n homme qui dit non » à ce
constat.696 Cette indignation, précise le philosophe, peut être provoquée par l’observation
d’un malheur vécu par un autre697 — il s’agit par exemple du marginal et du démuni dans
le cas des trois poètes — et s’accompagne donc d’un sentiment de solidarité et de
fraternité humaines ; le révolté semble s’écrier : «je me révolte donc nous sommes ».698
D’autre part, la perception transfigurante s’associe à un mouvement de révolte
dans la mesure où elle se base sur l’abandon de repères sacrés chrétiens. Camus pose en
effet un lien intrinsèque entre attitude révoltée et perte de la croyance en un pouvoir
supérieur ordonnant le monde, statuant que « [1]’actualité du problème de la révolte tient
691 33.
692 3 3.
693 128.
694 129.
695 21.
696 25.
697 29.
698 3 6.