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montrant la voie et plantant les graines de cet élan humaniste en s’exclamant: «je
m’exige bêcheur de cette unique race ».686
D’autres écrits antillais de l’époque qui mettent en scène une vision esthétique du
monde, se pose de même comme guide du peuple noir vers une meilleure condition de
vie et une sérénité d’esprit. Dans son article « Introduction au merveilleux », Ménil
remarque en effet que certaines œuvres fictionnelles antillaises, comme les contes et les
poèmes, « [...] signifient à la fois, étant suscitées par le désir, ce qui nous manque et ce
qu’il conviendrait de faire pour combler ce manque. Elles annoncent notre meilleur
avenir. »687 Tout comme Césaire, Ménil insiste sur l’action humaine pour faire de cette
prévision une réalité et sur l’adoption, dans la perception de tous les jours, d’un mode
d’appréhension du monde basé sur l’irrationnel. Il souligne :
la tâche des hommes ne peut consister qu’à tenter d’intégrer le
merveilleux [de ces œuvres] dans la vie réelle de façon à atteindre à
quelques grandeurs. Tant que le mythe n’arrive pas à s’inscrire en toute
banalité, la vie humaine n’est qu’un pis-aller ennuyeux, propre tout juste,
comme on dit, à tuer le temps. Aucun homme digne de ce nom ne peut
s’accommoder d’une telle distraction.688
Cependant, il me semble que l’activité poétique, si elle débute ce travail de
renaissance et de re-jouissance, possède finalement pour Césaire un pouvoir d’action
limité puisque le poète ressent le besoin d’utiliser d’autres moyens que la création
poétique pour faire passer ses revendications. D’une part, l’œuvre de Césaire va au-delà
Cahier 68.
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