222
des communistes français porte encore les stigmates de ce colonialisme qu’il combat ».674
Puis, réitérant l’aliénation psychologique que véhicule encore constamment le parti
envers les peuples noirs, il revendique l’adhésion à une considération culturelle négro-
africaine dans la reconstruction de l’identité antillaise. Ainsi proclame-t-il à Thorez :
« cette Afrique Noire, la mère de notre culture et de notre civilisation antillaise, c’est
d’elle que j’attends la régénération des Antilles ; pas de l’Europe qui ne peut que parfaire
notre aliénation, mais de l’Afrique qui seule peut revitaliser, repersonnaliser les
Antilles ».675 Se distancier de cette « fausse » identité et culture pour en adopter une plus
authentique est par conséquent une action vitale afin que les Martiniquais retrouvent un
rapport plus sain et satisfaisant avec eux-mêmes. Ainsi faisant, le poète du Cahier peut
entamer « La danse il-est-bon-et-légitime-d’être-nègre »676, attestant la légitimité enfin
reconnue de son peuple dans l’humanité.
En engageant l’homme dans l’action pour rechercher une perception plus
satisfaisante du monde, de l’existence et de l’humanité même, Césaire s’oppose à la
conception nietzschéenne d’art comme consolation. Contrairement au philosophe qui
préconise une acceptation passive de la condition humaine et sociale, le poète déclare à
propos de la réflexion nietzschéenne : « Je n’aime pas beaucoup le mot consolation ».677
Il ajoute alors que, pour lui, l’élan vers la perception poétique est un ancrage dans
l’existence et une voie vers l’action : « [...] c’est quand même finalement une adhésion à
674 Aimé Césaire, « Lettre à Maurice Thorez », Œuvres complètes, ed. Jean Paul Césaire, vol. 3 (1956 :
Fort-de-France : Désormeaux, 1976) 470.
675 « Lettre à Maurice Thorez » 472.
676 *7^
677 Cité par Leiner, vol. 1 138.