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Baudelaire comme un « poèt[e] du crime ».704 Cette démarche est clairement contraire à
l’élan de fraternité et d’unité humaine qu’est censée véhiculer la révolte. D’autre part la
négation absolue, s’efforçant de dénoncer la morale du christianisme, s’ancre encore trop
profondément dans une réflexion en rapport au divin pour se faire totalement révoltée, la
révolte étant centrée sur le pouvoir humain. Ainsi « Baudelaire, malgré son arsenal
satanique, son goût pour Sade, ses blasphèmes, rest[e] trop théologien pour être un vrai
révolté », conclut Camus.705
En s’émancipant de la toute puissance divine pour donner une voix à l’homme,
cette démarche de négation absolue constitue néanmoins la première étape de la révolte,
bien qu’elle doive être dépassée : « Si la révolte métaphysique refuse le oui et se borne à
nier absolument, prévient Camus, elle se voue à disparaître. »706 En d’autres termes,
l’élan subversif de négation, incarné ici dans l’attitude baudelairienne, représente l’un des
phénomènes précurseurs aux revendications cohérentes et collectives que sont les
véritables révoltes, au sens camusien, et qu’illustrent les réactions de Prévert et Césaire.
A partir du romantisme remarque en effet le philosophe, « [1]a révolte quitte peu à peu le
monde du paraître pour celui du faire où elle va s’engager tout entière. Les étudiants
français de 1830 et les décembristes russes apparaîtront alors comme les incarnations les
plus pures d’une révolte d’abord solitaire et qui cherche ensuite, à travers les sacrifices, le
chemin d’une réunion. »707 Les surréalistes marqueront bien ce passage, rajoute
704 73.
705 74.
706 IOi
707 75.