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autre, qui est en partie esthétique. Ainsi annonce Camus : « Dans toute révolte se
découvrent l’exigence métaphysique de l’unité, l’impossibilité de s’en saisir, et la
fabrication d’un univers de remplacement. [...] Ceci définit l’art, aussi. L’exigence de la
révolte, à vrai dire, est en partie une exigence esthétique. »711 Une fois encore, il s’agit
de nuancer ces affirmations dans le cas de la démarche baudelairienne afin d’en souligner
la nature pré-moderne. Si la transfiguration esthétique à laquelle peut accéder le poète
d’après Baudelaire rentre dans le cadre d’une réponse humaine dans sa quête de repères
existentiels, l’élévation baudelairienne offerte aux communs des mortels, résidant dans
des modes d’évasion qui n’attribuent à l’homme aucun pouvoir, ne correspond
évidemment pas à l’élan de révolte ici décrit.
Enfin, il me semble que Césaire dépasse le mouvement de révolte proprement dit
dans la mesure où il vise à une action et un changement concrets : alors que le discours
prévertien se révolte contre les absurdités de la vie sans toutefois chercher à les éradiquer,
la revendication césairienne appelle à une transformation de la société. Dans son essai,
Camus prend aussi en considération ce type de démarche. Lorsque « la révolte est [...]
en marche vers l’action»712, remarque-t-il, elle s’identifie dès lors à une «révolte
historique » ou « révolution » et « n’est que la suite logique de la révolte métaphysique
[...]».713 La description Camusienne de cette révolte historique semble tout à fait
pertinente pour caractériser la démarche de Césaire.714 D’après Camus en effet, ce
711 315-316.
7,2 81.
713 135.
714 Rappelons par exemple l’étude de Victor Hountondji qui considère le premier poème en prose de
Césaire comme un cri révolutionnaire. Son essai s’intitule d’ailleurs Le Cahier d'Aimé Césaire : événement
littéraire et facteur de révolution (Paris : L’Harmattan, 1993).