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s’ouvre enfin sur l’action révolutionnaire, désir de changement qu’exprime concrètement
Césaire, au-delà des effets individuels dont profitent ceux qui adoptent une vision
transfigurante du monde.
Pour finir, je ferai part de quelques réflexions concernant l’évolution du rôle et de
la place de l’art et de l’artiste du XIXe siècle à nos jours. La présente étude m’a permise
de constater que la poésie, à l’époque de Baudelaire, paraît exprimer de plus en plus une
réaction contre un système d’appréhension du monde obsolète au profit de nouvelles
conceptions perceptives. De son côté, la poésie du XXe siècle semble bien avoir adoptée
ces nouvelles valeurs et tente désormais de les partager avec l’humanité pour aider celle-
ci dans la compréhension du monde, le contrôle de l’existence et la quête d’un bonheur
sur terre. Camus relève bien cette évolution du rôle de l’art, et donc de l’artiste, au cours
des deux derniers siècles : « A partir du romantisme, la tâche de l’artiste ne sera plus
seulement de créer un monde, ni d’exalter la beauté pour elle seule, mais aussi de définir
une attitude. L’artiste devient alors modèle, il se propose en exemple : l’art est sa morale.
Avec lui commence l’âge des directeurs de conscience. »717
Ainsi chez Baudelaire, il s’agit bien de façonner une attitude et une conception
nouvelles face au monde, démarche basée sur une perception transfigurante, sans pour
autant hisser ces valeurs au rang de modèle puisque cette vision est ici réservée à l’artiste.
Ces caractéristiques rappellent d’ailleurs le caractère pré-révolté de l’auteur dans le sens
où sa démarche est individuelle. Un siècle plus tard, Prévert adopte cette même
conception du monde et s’en sert pour produire un art à caractère « moralisateur » et
717 74.