question de connaissances académiques mais « une affaire de sensibilité »,10 remarque
qu’« un tas de gens, parfaitement armés pour comprendre cette poésie, ne la comprennent
pas ; et que beaucoup de gens qui n’ont aucune culture particulière la comprennent fort
bien ».” L’apport de Césaire à la littérature antillaise et de langue française est de plus
sans pareil. André Breton reconnaît les talents de plume de ce « grand poète noir » qu’il
décrit comme « un noir qui manie la langue française comme il n’est pas aujourd’hui un
blanc pour la manier».12 Breton remarque aussi le côté innovateur de la poésie
césairienne, poésie qui est pour lui « le premier souffle nouveau, revivifiant »13, injecté
dans un art qui menace à l’époque de retomber dans l’ancien et la tradition sclérosée. Le
penseur surréaliste affirme finalement que le Cahier d’un retour au pays natal n’est
« rien de moins que le plus grand événement lyrique de ce temps ».14 Jean-Paul Sartre,
quant à lui, admire la démarche de création de Césaire qui se base, selon le philosophe,
sur le détournement complet des préceptes surréalistes jusqu’à les dresser contre leurs
créateurs européens. En effet, si le surréalisme cherche à l’époque à remettre en cause le
langage, Sartre explique que le poète martiniquais utilise cette démarche dans un but
personnel ; il déclare : « le surréalisme, mouvement poétique européen, est dérobé aux
Européens par un Noir qui le détourne, contre eux et lui assigne une fonction
10 Jacqueline Leiner, Aimé Césaire, le terreau primordial, vol. 1 (Tübingen : Narr, 1993) 136.
*1 Leiner, vol. 1 136.
12 André Breton, « Un Grand poète noir », Fontaine 35 (1944) : 545.
13 « Un Grand poète noir » 545.
14 « Un Grand poète noir » 546-547.