Cependant, en dépit d’un certain optimisme dans les mécanismes du marché, les économistes
classiques craignent l’avenir. Ils imaginent un état stationnaire, c’est-à-dire une situation qui
se caractérise par la disparition des occasions d’investissement. Dans ce cas de figue plusieurs
situations sont envisageables :
• Raisons économiques : est-ce parce que les besoins de la population sont entièrement
satisfaits ou est-ce parce que la population n’est pas assez riche pour acheter les
biens fabriqués dans les entreprises ? Dans le premier cas, la croissance est freinée
parce la demande à satisfaire n’est plus qu’une demande de renouvellement. Dans
ce cas, D. Ricardo propose d’exporter pour trouver une nouvelle clientèle sur
d’autres marchés. L’innovation n’est pas encore conçue comme un moyen de créer
de nouveaux biens. Le progrès technique n’est appréhendé que sous l’angle du
machinisme. La machine est le moyen grâce auquel la productivité du travail
augmentera. Le machinisme peut être en effet source de pauvreté puisque nombre
de travailleurs pourront perdre leur emploi. Il n’est pas certain que les travailleurs
évincés par le machinisme pourront trouver un emploi dans d’autres d’activités.
• Raisons écologiques : Est-ce parce que les économistes classiques craignent
l’épuisement des ressources naturelles ? C’est la crainte formée par R. Malthus. La
solution consiste alors à ralentir la croissance démographique par une politique
familiale autoritaire. Mais, dans cette hypothèse, il y a peu de chances que la
croissance économique s’intensifie puisque l’idée est de respecter un équilibre entre
accroissement démographique et celui des ressources naturelles.
2.2.2. La capacité de jugement de l’entrepreneur
L’économiste français J-B. Say en revanche se montre beaucoup plus optimiste. Il a foi
comme A. Smith dans le marché, mais il place l’entrepreneur (comme R. Cantillon) au cœur
de l’économie. J-B. Say parle du « métier de l’entrepreneur » et il définit avoir soin les
différents registre de son intervention dans l’entreprise et les qualités dont il doit être doté :
• l’entrepreneur est l’agent principal de la production. Son travail est productif au
même titre que celui de l’ouvrier ou du savant ;
• l’entrepreneur doit être doté d’une « capacité de jugement », c’est à dire qu’il doit
juger les besoins et surtout les moyens de les satisfaire. Ce genre de travail exige
des « qualités morales dont la réunion n’est pas commune » ;
• l’entrepreneur ne doit pas s’en remettre à la routine et doit sans cesse innover.
L’entrepreneur est ainsi placé par J-B. Say à une place d’intermédiaire entre le
savant qui produit la connaissance et l’ouvrier qui l’applique à l’industrie.
Mais, la plus grosse difficulté auquel il est fréquemment confronté est de vaincre le
conservatisme du banquier. L’opinion de Schumpeter sera la même. L’analyse de J-B. Say est
à la fois macro et micro économique. Macro-économique parce qu’il attribue à l’entrepreneur
une place particulière dans l’économie (intermédiaire entre le savant et l’ouvrier), mais aussi
micro-économique parce qu’il définit une liste de qualités que l’entrepreneur doit posséder
pour réussir.
J-B. Say complète ainsi l’équation posée par Cantillon :
Entrepreneur = risque + innovation
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