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concomitant des morales religieuse et Institutionnelles. Processus dont on voit
bien qu’il ouvre sur une epoque dont nous ne sommes pas prets de sortir.
Deux theses done s’affrontent, en s’incarnant en une serie de
personnages inegalement distribues. D’un cote, un point de vue Iegaliste, пошті
ou non de presupposes religieux, et defendu aussi bien par des representants
de !’institution (medecin, magistral, pretre) que par un particulier, Diderot Ie
pere, presente des Vincipit du conte comme un homme ‘d’un excellent
jugement, mais homme pieux (et) repute dans sa province pour sa probite
rigoureuse,; de l’autre, un point de vue Contestataire expose par un personnage
qui se confond avec Ie narrataire, et que tous designent invariablement comme
‘le philosophe,. Les partisans du Iegalisme ne sont pas Uniformement des tetes
creuses et ‘etrecies’, comme Ie philosophe Ie soutient du Casuistejadis consulte
par son pere; on decouvre parmi eux au moins un esprit fort, Ie medecin, qui
sait opposer a son Contradicteur des arguments rationnels a connotation
philosophique. Pour elabore qu’il soit, Ie conte diderotien ne s’apparente
nullement a ces dialogues truques dans Iesquels un porte-parole de Γauteur tire
avantage de la mediocrite de son Contradicteur; la figure du pere dans Ie role
d’opposant principal est d’ailleurs garante de Timpartialite de la ‘contestation’.
Celle-ci porte done sur la validite des Iois civiles, plus particulierement, sur
la НЬеЛё Iaissee a Tindividu de s’y soustraire ou de s’y conformer. En son
fond, Ie point de vue Iegaliste repose sur une serie d’arguments convergents,
tous fondes en raison, ce qui confere au dialogue toute son acuite. Le registre
de la Ioi etant celui de Puniversel, Ie particulier ne saurait у prevaloir, sous
quelque forme que ce soit: ni dans la forme objective d’une exemption
(particularite du cas), ni dans celle subjective d’une evaluation (Iiberte du
jugement). Le medecin n’a pas a eonnaɪtre de la personnalite du malade, mais
du caractere de la maladie: nulle exemption possible au devoir de soigner;
Texdcuteur doit se conformer a la volonte du testataire, fut-elle inique, faute
de quoi e’est ‘1’esprit’ des Iois successorales qui serait remis en question, et
avec Iui tout Tedifice social: nulle correction possible au principe de la
Souveraine volonte du defunt. De meme, mutatis mutandis, de la regie de
restitution de la dot, dont Tesprit vise a Contrecarrer ‘le peu de surete des
femmes meprisees, haies a tort et a travers de Ieurs mans’. Au fond, la Ioi
protege Ie faible: la femme, Ie malade, Ie mourant. D’ou resulte que toute
licence accordee a son execution ouvrirait la voie a d’infmies exactions. C’est
ici que la notion de transgression apparaɪt si clairement qu’il convient de citer
Ie texte tout au long:
Le docteur Bissei, apres un moment d’incertitude, repondit ferme qu’il Ie guerirait;
qu’il Oublierait Ie nom du malade, pour ne s’occuper que du caractere de la