DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
GOUVERNANCES, INNOVATION ET PERFORMANCE DES EAA DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
Introduction
La compréhension des processus d’innovation des
entreprises dépend de phénomènes divers et complexes.
L’influence des structures de gouvernance sur Ia propension
à innovera été peu étudiée. Cetarticle utilise les résultats
d’une recherche sectorielle afin d’explorer la nature des
‘gouvernances’ de la firme innovante et leur influence
sur ses performances.
Dans quelle mesure les systèmes de gouvernance1
influencent-t-ils la politique d’innovation et la performance
de l’entreprise ? L’élargissement de la question du
‘gouvernement de l’entreprise’ à la ‘gouvernance’ a amené le
développement de travaux récents (Lazonick Et O’sullivan
(1998), Zahra Et Al. (2000), Rubinstein (2000)...).
Néanmoins, cet ensemble porte principalement sur les
grandes entreprises, occultant ainsi le monde des PME (Link
Et Bozeman, 1991), plus sensibles à leur environnement
institutionnel et au territoire qui les accueille.
L’ensemble des travaux menés à ce jour montre l’impact
de la structure du capital et des systèmes de
gouvernance sur la politique d’innovation menée dans
les grandes entreprises. Ll y a toutefois de sérieuses
limitations à ce modèle, s’il doit être transposé aux PME.
Les comportements du chef d’entreprise, d’une part, et
l’environnement institutionnel, le ‘territoire’de l’entreprise,
d’autre part, ne peuvent être ignorés, et méritent, à notre
sens, une étude approfondie.
L’objectif de notre démarche est donc de tester les liens
recensés par la littérature récente, qui favorisent
l’innovation. Notre analyse intégrera les différentes
approches théoriques de la gouvernance (du gouvernement
d’entreprise à son élargissement à l’environnement
institutionnel) et leurs extensions au domaine spécifique
des PME. Le modèle conceptuel et la méthodologie
utilisés permettront d’explorer l’influence particulière
des structures de gouvernance (shareholder, stakeholder)
sur la capacité d’apprentissage et la propension à
l’innovation (produit, procédé, emballage ou organisationnelle)
des PME étudiées, d’une part, et l’influence des
‘gouvernances’ et de l’innovation sur les performances
(croissance et création de valeur), d’autre part.
I Les spécificités de la gouvernance
de l’entreprise innovante
Les théories de la gouvernance sont devenues un cadre
théorique important dans la compréhension du fonctionnement
de l'entreprise comme l'a montré Charreaux (2004).
L'intégration des dynamiques entrepreneuriales et
d'innovation nous amène à retenir une approche élargie
de la gouvernance intégrant plusieurs courants
théoriques (disciplinaire, cognitif). A coté du modèle
d'Aoki (2000), les travaux de Lazonick et Osullivan (1998)
proposent un cadre pertinent à l'étude de ces dynamiques
tant sur leur impact sur l'organisation étudiée (modèle
micro de la gouvernance) que sur les conditions de leur
émergence et de leur pérennisation (modèle macro de la
gouvernance).
A- Les modèles “micro” de gouvernance
de l’entreprise innovante
i. Les courants disciplinaires
Deux courants théoriques définissent le courant
disciplinaire 'Micro' de la gouvernance. Le point de départ
demeure l'approche contractuelle de la firme définie
comme un "nœud de contrats". La rationalité des acteurs,
les différences d'objectifs, les asymétries d'informations
et les risques potentiels de conflits font que la
performance ne peut émerger que de la mise en place de
procédures de contrôle et de sanctions potentielles.
Principalement développé au sein du cadre théorique de
l'agence, ces courants se déclinent en deux approches :
• Centré sur la relation contractuelle entre le dirigeant et
les actionnaires, le gouvernement d'entreprise s'entend
comme un ensemble de mécanismes mis en place en vue
d'obliger les dirigeants à "maximiser" la valeur actionnariale.
Selon la nature et l'intensité du contrôle mis en place, le
système de gouvernement se décline avec des mécanismes
internes (conseil d'administration, assemblée générale des
actionnaires....) et des mécanismes externes (marchés de
biens et services, marché financiers, marché du travail...).
Selon la nature de l'entreprise, ces différents mécanismes
et leurs hiérarchies n'ont pas la même pertinence.
L'efficacité du système de gouvernement sera la
résultante de deux qualités d'une part, le caractère
préventif (permettre de se prémunir contre certains
conflits destructeurs de valeur) et d'autre part, le caractère
curatif (apporter des solutions aux différentes sources de
conflits2).
• Le courant disciplinaire peut aussi se décliner en ne se
limitant pas uniquement aux seuls shareholders mais en
retenant l'ensemble des stakeholders de l'entreprise ou
partenaires, au sens le plus large, de l'entreprise. On
retiendra la définition suivante : "Sont considérés comme
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1 Dans ce travail nous utiliserons le terme de gouvernement d'entreprise pour spécifier la relation actionnaires - dirigeant. La notion de gouvernance (ou
systèmes de gouvernance) s'inscrit dans une démarche élargie à l'ensemble des stakeholders (ou partenaires de l'entreprise) ainsi gu'à !'environnement
institu donneI (territoire).
2 Politigue de sous-investissement, appropriation de la rente organisationnelle par les dirigeants à des fins personnelles...