DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
DYNAMISME ET FINANCEMENT DE LA CROISSANCE : LE CAS DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
B- Le financement de l’innovation
D'un point de vue théorique, l'innovation et plus
généralement l'investissement immatériel doivent être
financés par les capitaux propres. En effet, Williamson
(1988) explique que le mode de financement dépend de
la nature des actifs : la dette convient pour les actifs
redéployables alors que les capitaux propres sont plus
adaptés au financement d'actifs spécifiques. Plusieurs
auteurs ont vérifié empiriquement cette hypothèse parmi
lesquels on retrouve les travaux de Bah et Dumontier
(1996) et de Mayer (2000). Par ailleurs, la littérature met
en avant l'importance du financement par le marché
d'entreprises jeunes ou d'entreprises plus établies dont les
actifs sont intangibles (Shleiferet Vishnyl 1997). Ainsi, le
développement du capital-risque associé à un marché
actif de valeurs technologiques permet d'assurer le
financement d'investissements risqués, intangibles et
innovants. Plus que les banques qui refusent des projets
trop risqués7, les actionnaires sont à même de financer
l'innovation. Ainsi, au plan théorique, les entreprises les
plus innovantes devraient être davantage financées par
des capitaux propres que les entreprises moins
innovantes.
Cependant, si l'on considère le contexte des entreprises
de l'échantillon, qui sont quasi exclusivement des PME,
nous devons prendre en considération le rationnement
des capitaux propres auquel elles font face. En effet, ces
entreprises ont un accès aux marchés financiers
extrêmement réduit notamment pour des raisons de
coûts relativement à leur taille. Couderc (2002) explique
ainsi que les coûts fixes à engager immédiatement pour
obtenir des capitaux externes sont beaucoup plus élevés
en valeur absolue pour une augmentation de capital que
pour l'obtention d'un prêt bancaire. Ils seront aussi
proportionnellement beaucoup plus élevés dans une PME
que dans une grande entreprise. Par ailleurs, au-delà des
difficultés d'accès à des financements par capitaux
propres, de nombreux dirigeants de PME, dont le
comportement peut être qualifié de "patrimonial", sont
réticents à ouvrir leur capital à des actionnaires
extérieurs. Dans les deux cas, ils sont contraints de
financer l'innovation par de l'endettement bancaire
même si celui-ci s'avère inadapté et/ou insuffisant. Dans
cette hypothèse, nous devrions avoir une relation positive
entre l'endettement et l'innovation. Par ailleurs, comme
semblent le montrer Camagni& Capello (1998), ce recours
à l'endettement pourrait s'expliquer par l'obtention
d'informations sur les innovations potentielles au sein
d'un milieu innovateur (une sorte de club) dans lequel les
entreprises, plus spécialement les petites, pourraient
connaître les innovations existantes, et par là même,
réduire le risque inhérent à toute activité innovante.
En conclusion de cette discussion théorique, nous avons
formulé deux hypothèses alternatives. L'une suppose un
lien positif entre l'innovation et la capacité à disposer de
plus de capitaux propres, car ces derniers sont mieux à
même de financer l'innovation. L'autre prend en compte
les contraintes propres aux PME et arrive à l'hypothèse
inverse, sans nier le bien fondé de l'adéquation du
financement de l'innovation par le recours aux capitaux
propres. Enfin, il est aussi possible que les deux jouent en
simultané (en fonction, par exemple, de la taille).
Nous allons à présent tester ces deux hypothèses
alternatives à partir des entreprises de notre échantillon,
et contrôlerons l'influence des deux variables susceptibles
d'avoir une influence sur l'endettement que sont la taille
de l'entreprise et son appartenance à une filière.
Le lien entre l'innovation et le niveau d'endettement a
été évalué pour chaque composante de l'innovation :
produit, procédé, emballage et organisationnel ainsi que
sur l'importance de cette innovation par rapport au
secteur et par rapport à l'entreprise8 sur les trois dernières
années. Cette première analyse a porté très simplement
sur une comparaison de moyenne des capitaux propres
moyens (mesurés par le ratio capitaux propres sur
endettement financier en 2002) entre groupes d'entreprises
innovantes ou non9. Les résultats sont présentés dans la
figure 19.
V ariables_________________________ |
Rang_______ |
Z________ |
significativité | |
Innovation Procédé |
Non |
64,58 47,46________ |
-2,48 |
0,01 |
Innovation produit |
Non Oui |
64,79 59,26________ |
-0,99 |
0,25 (ns) |
Innovation emballage |
Non Oui |
66,17 52,82________ |
-2,07 |
^C1X)3 |
Innovation organisationnelle |
Non Oui |
68,15 57,47________ |
-1,7 |
0,10 |
Innovation de rupture sectorielle |
Non Oui |
43,79 32,70________ |
-2,03 |
0,04 |
Innovation totale |
G1 G2___ |
43,92 33,68________ |
-2,00 |
0,04 |
Source : Enquête EAA 2003 - DADP2-MOISA-DRAF SRSA LR
Figure 19 : Tableau de l'innovation et importance des capitaux
propres.
Pour chaque composante de l'innovation ainsi que pour
l'indice composite de l'innovation, les entreprises les plus
innovantes sont les entreprises qui ont relativement
moins de capitaux propres disponibles et inversement.
Cette relation est statistiquement significative au seuil de
10 % dans cinq cas sur six. Ainsi, il semble que pour les
7 Les banques sont moins diversifiées que les actionnaires et n’ont pas intérêt à financer des projets trop risqués car elles n’en supportent que les coûts
sans en avoir les bénéfices (Myers, 1977).
8 L'enquête demandait ainsi aux dirigeants si leurs innovations constituaient une rupture pour leur entreprise et également une rupture pour leur
industrie.
9 Nous avons utilisé des tests paramétriques et non paramétriques dont les résultats sont comparables. Toutefois pour des raisons de clarté, nous ne
présentons que les tests non paramétriques.
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