DYNAMIQUES DES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON
INTRODUCTION : DE L'ENQUÊTE DE 1998 À CELLE DE 2003, ET À CELLE DE 2008...
Une marque ou des marques ?
Trois des articles de ce recueil traitent de la question des
types de marque utilisées par les EAA du LR ou de leurs
conséquences sur les résultats des entreprises.
• Opposer marque commerciale individuelle et
marque collective n'est guère pertinent (Aurier et
Rhodairi], et en fait, la marque collective est sous-
utilisée. L'idée est que les produits et marques
peuvent bénéficier de l'image de leur région et, en
retour, contribuer à son développement. L'image
d'un produit agroalimentaire peut résulter de deux
sources : une source d'origine "privée", et une
source d'origine collective, avec l'image de la zone
de fabrication et celle des matières premières
(terroirs, appellations). Dans le champ alimentaire,
plus qu'ailleurs, cette source peut représenter une
part considérable de l'image d'un produit, ceci
d'autant plus que le producteur individuel a
rarement les ressources financières permettant de
développer une marque "privée" forte. L'actualité
nous a rattrapé : souhaitons bon vent à la marque
régionale "Sud de France", en espérant que ce sera
bien Iagroalimentaire du Languedoc Roussillon qui
en restera le premier bénéficiaire, et non celui des
régions limitrophes.
• Il faut souligner (Aurier et Couderc] que seulement
40 % des EAA utilisent une stratégie de marque
propre en 2002, contre 61 o∕o en 1997, ceci au profit
d'une forte progression des EAA commercialisant
sans marque. Cette évolution s'accompagne d'une
hausse du taux d'incorporation de MPA (Matière
Première Agricole) caractérisant une "basification"
de la production et de façon assez mécanique,
une baisse de leur taux de création de valeur
ajoutée ainsi qu'un recentrage sur les activités de
production, au détriment des activités marketing
et commerciale. En matière d'actions marketing,
l'utilisation d'un signe géographique facilite les
actions de coopération interentreprises régionales
(со-branding), améliore la confiance (traçabilité et
proximité du produit fabriqué en région) et la
légitimité perçue du produit aux yeux des
consommateurs, mais aussi des distributeurs, et
représente une clé d'organisation claire des rayons,
développe un sentiment d'appropriation des
produits par les consommateurs de la région qui
deviennent "captifs". L'avantage concurrentiel qui
en résulte n'est pas copiable en dehors de la région,
l'investissement est donc défendable et durable.
Encore faut-il, évidemment, s'assurer d'un
minimum de discipline collective et de moyens de
sanction des 'passagers clandestins' de ces marques
représentatives de 'signes de qualité'.
• En 1998, les entreprises jugées les plus
'dynamiques' étaient les entreprises de plus de 100
salariés, qui détenaient une marque propre et
développaient leurs exportations, mais la question
portait déjà sur le financement de cette croissance
(Lafont, Couderc, Lafhel et Remaud]. En 2003, la
crise semble avoir contraint certaines de ces EAA à
accepter de produire et commercialiser des
marques de distributeurs (MDD) ou en sous-
traitance afin de préserver un volume d'affaires
nécessaire à Ieursurvie, ceci au détriment éventuel
de la valeur ajoutée et du résultat. Le dynamisme
des EAA du LR devrait être un facteur de
satisfaction, tout autant qu'un facteur d'inquiétude
pour les Pouvoirs Publics, sensibilisés à la perte
d'emplois ou au transfert du pouvoir de décision
hors du territoire qu'ils administrent. En effet,
l'innovation, qui tire la croissance, ou la marque,
qui protège la création de valeur, par les
investissements et l'augmentation du besoin en
fonds de roulement quelles impliquent, génèrent
des besoins de fonds importants que ni les
dotations originelles en capital, ni !'autofinancement
généralement constaté dans les PME, ne suffisent à
satisfaire. Le sur-endettement guette ces entreprises
en trop fort développement, avec les risques de
défaillance ou de perte d'indépendance qui y sont liés.
Dans ce contexte, seules les plus innovantes de ces
'grosses' PME, à condition de protéger et promouvoir en
propre leurs nouveaux produits ou services par des
marques, tireraient leur épingle du jeu aujourd'hui, sous
réserve de trouver les aides, accompagnements et
financements nécessaires. En effet, l'analyse des modes
de financement de l'innovation des EAA du Languedoc-
Roussillon indique une faiblesse des capitaux propres,
théoriquement première source de financement de ce
type d'activité, alors que le recours à l'endettement ne
peut qu'être très limité pour financer ces besoins
incorporels.