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Salon de 1845 en espérant bientôt «célébrer l’avènement du neuf» dans l’art.271
Baudelaire insiste bien sur cette conception unique de la vision et de la création poétiques
lorsqu’il statue que « [IJ’artiste, le vrai artiste, le vrai poète, ne doit peindre que selon
qu’il voit et qu’il sent. Il doit éviter comme la mort d’emprunter les yeux et les
sentiments d’un autre homme».272 Dans «Rêve parisien», par exemple, la
transfiguration esthétique est bien décrite un élan personnel : c’est « un caprice
singulier »273, celui du poète en état de sommeil ; le rêveur se présente alors comme le
seul « Architecte de [s]es féeries » nocturnes.274
De plus, l’interprétation personnelle et imaginaire du monde mise en scène dans
l’art permet doit se faire sur le principe de la transfiguration esthétique. Dans son
compte-rendu de !’Exposition Universelle de 1855, Baudelaire décrit en effet le vide
esthétique dont souffre un de ses contemporains artistes, « un de ces modernes
professeurs-jurés d’esthétique », un « insensé doctrinaire du Beau »275, qui s’enferme
dans un système perceptif normé et impersonnel. Conséquence de cette fidélité aux
normes, cet homme ne peut découvrir la véritable poésie du monde, un univers de
correspondances : « [il] a oublié la couleur du ciel, la forme du végétal, le mouvement et
l’odeur de l’animalité, et [...] les doigts crispés, paralysés par la plume, ne peuvent plus
271 Charles Baudelaire, Salon de 1845, 1845, Œuvres complètes, ed. Claude Pichois, vol. 2 (Paris :
Gallimard, 1975) 407.
272 Salon de 1859 620.
273 Charles Baudelaire, « Rêve parisien », Les Fleurs du mal 101, v.6.
274 v.37.
275 Charles Baudelaire, Exposition universelle de 1855, 1855, Œuvres complètes, vol. 2 577.