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comparison. He is on the lookout for banal incidents in order to approximate them to
poetic events ».289 Ainsi, le poème « La Pipe » porte sur un objet d’utilisation courante à
l’époque, objet que l’auteur poétise en le personnifiant et en lui attribuant les vertus d’une
femme servile éprise du fumeur — le genre féminin de « pipe » renforce idéalement cette
image. La pipe promet alors fidélité à son « maître »290 : elle le soigne « [q]uand il est
comblé de douleur » ; elle le console, 1’« [...] enlace et [...] berce son âme », ou se fait
séductrice et distrayante lorsqu’elle «[...] charme son cœur et guérit / De ses fatigues son
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esprit ».
Dans la lignée d’une inspiration du quotidien et comme l’indique Benjamin à
propos des champs lexicaux chez Baudelaire, celui-ci introduit aussi dans la poésie la
thématique de la vie urbaine. Dans la conclusion du Salon de 1846 par exemple, le poète
exprime clairement son intérêt pour une esthétique du citadin, tout en s’irritant du peu de
cas qu’en font encore les artistes de son temps : « [l]a vie parisienne est féconde en sujets
poétiques et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme
l’atmosphère ; mais nous ne le voyons pas ».292 Irrité de ce manque de réaction,
Baudelaire remet même en question le talent des artistes qui refusent d’adopter cette
démarche esthétique : « C’est évidemment le signe d’une grande paresse, déclare-t-il ; car
il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid dans l’habit d’une
époque, que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse qui y est contenue, si
289 gg
290 Charles Baudelaire, « La Pipe », Les Fleurs du mal 67, v.4.
291 v.5 ; v.9 ; v.13-14.
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