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et même Isaac Newton [.. .]309
A travers cette vision, les possibilités d’association entre les éléments du monde semblent
infinies. Ici, le fil de la pensée part d’une référence biblique au péché originel pour aller
vers l’origine de découvertes liées à la pomme — la pomme de terre par Antoine
Parmentier et les lois de la gravitation inspirées, d’après la légende, par la chute d’une
pomme tombant de son arbre. L’esprit s’aventure aussi vers des associations phonétiques
comme entre « Jeu de Paume » et « Jus de Pomme » ou vers des continuations d’idées
comme dans la chanson enfantine « Pomme de reinette et pomme d’api ».
Tout comme chez Baudelaire, cette démarche perceptive influence Pré vert dans sa
manière de concevoir la création poétique, et en particulier dans son détachement envers
les normes traditionnelles de création littéraire. D’une part, l’auteur perçoit l’activité
poétique comme un acte spontané, affirmant par exemple : « [...] le serpent ou le reptile,
on l’entend, on le voit, c’est sur le vif, c’est la poésie, la vraie, la seule, la source. »310 Le
résultat des contemplations esthétiques est de même individuel, sans règles fixes : « A
chacun d’ordonner son désordre, prescrit le poète, et il y aura autant d’imaginaires que de
‘désordonnateurs’ ».311 D’autre part, et comme Boyer le décrit, le poète rejette les règles
sémantiques et sonores au profit d’une conception inédite des mots. Ainsi Prévert
confère-t-il une « attention très vive au matériau brute de la langue : le mot, et, en
essayant de jouer sur ses sonorités et son sens, sa place dans la phrase et jusqu’à son
allure extérieure, [il a] tenté de lui faire dire plus que ne fait le dictionnaire, de l’enrichir,
309 v.27-37.
310 Prévert et Pozner 908.
311 Cité par Gasiglia-Laster et Laster, vol. 2 1055.