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l’expérience du peuple noir. Dans le Cahier déjà, le poète annonce son appropriation du
vocabulaire français dans cette direction, alors les mots sont désormais
des mots de sang frais, des mots qui sont
des raz-de-marée et des érésipèles
des paludismes et des laves et des feux
de brousse, et des flambées de chaire,
et des flambées de villes.. .351
Le poète conçoit ici les termes du français comme porteurs de sa révolte et de son espoir
de libération concernant la situation du peuple noir. Cette réaction est symbolisée ici par
des cataclysmes naturels, des maladies ou des destructions, bouleversements violents qui
engendreront un renouvellement futur positif, espère le poète. Dans le même ordre
d’idée, Césaire définit les termes « soleil » et « nuit » dans le poème « Mot » en relation
avec des éléments sonores et des matières qui lui évoquent le vécu traumatique des
esclaves ; ainsi ici, « [...] le mot soleil est un claquement de balles / [...] le mot nuit un
taffetas qu’on déchire ».352
Enfin, et comme chez les deux autres poètes dans le cadre de la transfiguration
esthétique, la thématique du dénigré, et en particulier de la misère, est source
d’inspiration poétique permanente pour Césaire qui en sublime la valeur ou l’horreur.
Dans un épisode du Cahier par exemple, le poète décrit un homme noir aperçu dans le
tramway, figure déformée et déshumanisée par la misère qui le ronge. Il raconte :
352 2 69.