152
paisiblement : les tables d’addition s’effacent dans le calme et l’ordre puisqu’elles partent
chacune à leur tour et que la salle de classe s’effondre « tranquillement ».452 La
perception esthétique ouvre non seulement à l’unité mais aussi à l’éternité, renforçant
ainsi le dépassement de l’angoisse existentielle à laquelle elle contribuait déjà. Dans
« Alicante », par exemple, le temps s’arrête et l’univers entier, ainsi que le bonheur, se
fige dans un moment étemel, dans le « Doux présent du présent »453, où dominent la paix,
l’harmonie et l’ordre.
Finalement, le poème « Lanterne de Picasso » résume bien la satisfaction et la
sérénité existentielles uniques qui naissent du basculement d’une vision traditionnelle des
choses, dominées par les idées, vers une perception sensorielle et transfigurante du
monde, où l’esthétique et l’harmonie font loi. Une fois la conception rationnelle des
choses ignorées, le monde se perçoit dans toute sa beauté et sa valeur, c’est-à-dire comme
un espace composé d’éléments cosmiques à la fois uniques et divers mais jamais opposés
ou désordonnés. C’est un monde dans lequel l’inexplicable côtoie le connu, la joie la
tristesse et le réel le transcendant. Ainsi ici,
Les idées [sont] pétrifiées devant la merveilleuse indifférence d’un monde
[passionné
D’un monde retrouvé
D’un monde indiscutable et inexpliqué
D’un monde sans savoir-vivre mais plein de joie de vivre
D’un monde sobre et ivre
D’un monde triste et gai
452 V. 39 ; vAl.
453 v.4.