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Ainsi faisant, le poète peut rendre hommage à des fleurs empoisonnées ou bien à un ciel
maladif.
Comme l’illustre aussi la citation ci-dessus, l’esthétisation du dévalorisé dans
l’œuvre césairienne porte surtout sur la vie quotidienne des tropiques ou sur l’histoire et
l’expérience tragique négro-africaine, en particulier en relation avec l’esclavage et le
colonialisme ; cette source d’inspiration, il faut le rappeler, est largement marginale,
voire dévaluée, dans la littérature dite canonique. Dans le texte « Mot », par exemple, le
poète redéfinit poétiquement la signification du terme « nègre » en insistant sur la
condition de vie, les souffrances, les violences et les révoltes de l’homme noir que
connote pour lui ce mot :
le mot nègre
sorti tout armé du hurlement
d’une fleur vénéneuse
le mot nègre
tout pouacre de parasites
le mot nègre
tout pleins de brigands qui rôdent
des mères qui crient
des enfants qui pleurent
le mot nègre
un grésillement de chairs qui brûlent
âcre et de come456
456 268-269.