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perception, basée sur l’esthétisation et la mise en correspondance d’éléments qui nous
entourent, conduit à une revalorisation de l’existence commune ainsi qu’à un sentiment
d’unité cosmique, toutes choses semblant, d’une façon ou d’une autre, reliées. Au-delà
de cet effet, j’affirmerai que la perception transfigurante possède le pouvoir de remettre
en question les normes littéraires, sociales et même épistémologiques en place. La vision
esthétique construit en effet un système de pensée qui s’oppose aux jugements
esthétiques, sociaux et philosophiques établis, normes qui paraissent néfastes à
l’humanité et surtout aux plus démunis d’après les trois poètes. Basé sur une
connaissance sensorielle et imaginaire plutôt que rationnelle et utilitaire, le discours
transfigurant définit alors les concepts de vrai, de beau, de bon et de précieux à partir
d’éléments traditionnellement jugés inaptes à incarner ces valeurs. Ainsi, le beau se
trouve dans l’horreur ou le vulgaire, le dépouillé et le rustre deviennent des biens
supérieurs et précieux, tandis que l’union harmonieuse de notions opposées comme le
diurne et le nocturne est désormais possible. Selon cette perspective, la société ne
dénigrerait plus les plus pauvres, faibles ou incultes, mais rechercherait l’harmonie
humaine et la fraternité universelle.
Dans la quatrième et dernière partie de mon travail, je tâcherai de relever les
limites de l’action positive de cette perception particulière. Plus particulièrement, je
nuancerai les pouvoirs de cette vision en réduisant son accès à une certaine population et
en limitant son effet dans le cadre d’une amélioration concrète du système social et des
discours humains. D’une part, je montrerai que Baudelaire conçoit la transfiguration
esthétique comme un don réservé à certaines âmes hypersensibles, le poète en tête.
D’après cet auteur, la figure du poète fait en effet l’objet, et ce dès sa naissance, d’une