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défavorisés. Dans le Cahier, cette dynamique passe par un retour à la conception
cosmique négro-africaine, tout en instaurant une idée d’égalité ethnique et de fraternité
universelle.
J’étudierai en détail dans une seconde partie le mode de fonctionnement de cette
perception transfigurante. A l’aide des constats établis au chapitre précédent concernant
le contexte d’émergence de cette démarche, je définirai cette perception comme une
vision procédant de la découverte d’un intérêt, d’une valeur et d’une signification inédites
d’objets liés au présent, à l’actualité et à la vie de tous les jours, et ce par un processus
d’esthétisation et de transfiguration de leurs caractéristiques communes et connues. Cette
démarche se fait principalement par des rapprochements inattendus entre les éléments
observés. Le poème baudelairien « Correspondances » est le modèle précurseur de cette
vision : d’une part, il en établit les règles, d’autre part, il en illustre le résultat. Ce
dépassement du commun engendre l’adoption de principes perceptifs et poétiques inédits
et inattendus, comme une poétique du vulgaire ou une esthétique de l’horreur. Il peut
s’agir de souligner la beauté d’une « Charogne » pour Baudelaire, d’une rue parisienne
populaire chez Prévert dans « La Rue de Buci maintenant... » ou de la végétation tropical
dans le Cahier de Césaire. J’insisterai aussi dans ce chapitre sur l’importance d’états liés
à l’irrationnel comme l’imagination, la nostalgie, le rêve et la rêverie, montrant en quoi
l’usage de ces états facilitent grandement l’accès à une perception transfigurante du
monde.
Le troisième chapitre portera sur les effets de la transfiguration esthétique. Tout
d’abord, je montrerai en quoi cette vision répond au malaise métaphysique et social en
permettant de retrouver une satisfaction et une sérénité de vivre. J’arguerai que cette