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« Bénédiction » qui lui permet de percevoir le monde autrement et de dépasser ainsi sa
condition de vie morne. Chez Prévert et Césaire, c’est uniquement le pauvre, le marginal
et le démuni, vivant à l’égard des normes de pensée dominantes, qui restent ouverts à leur
imagination et à leurs sens et peuvent, comme le travailleur du « Temps perdu » ou le
Martiniquais dans le Cahier, accéder à cette vision transfigurante. D’autre part, je
m’interrogerai sur le degré d’efficacité de cette perception vis-à-vis de l’amélioration des
rapports humains et des problèmes sociaux. Si, comme je l’ai montré précédemment,
cette transfiguration opère une subversion discursive, j’ajouterai ici que cette critique ne
peut, à terme, engendrer de renversements humains et sociaux. En étudiant les écrits des
trois poètes sous cet angle, je conclurai que la perception transfigurante n’est qu’une
consolation personnelle à l’insatisfaction existentielle ou sociale chez Baudelaire, un
modèle de vie collectif satisfaisant dans un monde qui ne l’est pas et ne le sera jamais
pour Prévert, et enfin, un encouragement vers un engagement politique pour Césaire.
La contribution et les difficultés de la présente étude résident bien sûr dans
l’association de trois poètes dont l’œuvre semble, de prime abord, difficile à relier. Je
montre en effet ici en quoi le discours des auteurs sur les préoccupations centrales de
mon travail se rejoignent : tous trois dénoncent, à leur manière, un mode de société
tourné vers la raison et l’individualisme et explorent la capacité d’une perception
poétique à lutter contre ce système inhumain et insatisfaisant. Il s’agit aussi ici de mettre
en parallèle et de relever les similarités de fonctionnement entre trois types d’accès à la