163
perception onirique. Dans « La Chambre double », le taudis sordide dans lequel habite le
poète se transforme en un espace accueillant et étemel481 ; dans « Rêve parisien », « ce
terrible paysage » parisien et « l’horreur de [s]on taudis » se changent en « un palais
infini, / Pleins de bassins et de cascades ».482
En fait, le savoir commun des choses est de valeur moindre face à cette
interprétation poétique. Au sujet de l’état onirique par exemple, le poète affirme
clairement la supériorité de la vision offerte par le songe, déclarant que « les choses de la
terre n’existent que bien peu, et que la vraie réalité n’est que dans les rêves ».483 Dans
cette optique, Baudelaire se félicite de l’interprétation plus juste et vraie à laquelle il
accède dans ses Fleurs du mal : dans un de ses projets d’épilogue, il déclare que son
recueil met à jour les caractéristiques les plus essentielles de ce qu’il a observé puisque
« [...] de chaque chose [il] extrait la quintessence ».484 La description de Paris qui s’y
trouve est par conséquent pour le poète la plus riche et la plus juste des vérités, dépassant
la conception connue et rationnelle de cette « capitale infâme » qui lui a servi
d’inspiration.485 En qualifiant la perception transfigurante de vérité, vérité de surcroît
supérieure, les textes baudelairiens vont bien au-delà d’une critique du mode de pensée
en place pour dévoiler un nouveau mode d’appréhension du monde, un système
épistémologique inédit basé sur une perception par les sens et l’imagination.
482 v.l ; v.55 ;v.14-15.
483 Les Paradis artificiels 399.
484 « Projet d’un épilogue pour l’édition de 1861 [II] », v.33.
485 « Projet d’un épilogue pour l’édition de 1861 [I] », v.13.